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Français
H. J. Chaytor

I. Bénis soient les maux et les peines et les chagrins que j’ai endurés depuis longtemps à cause de l'amour ; car mille fois plus de délices apportent les biens que l'amour me fait maintenant sentir. C'est que le mal me rend le bien plus agréable ; à mon avis, s'il n'y avait pas de mal, aucun bien n'aurait de saveur ; ainsi, le mal augmente la valeur du bien, et à cause de cela chaque mal doit être bien accueilli quand il arrive.
 
II. Je rends grâces à l'amour parfait pour le doux désir qui me fait ressentir une telle douceur, car il n'y a aucun mal dont je pusse sentir la douleur, dût le monde entier me condamner à mourir : qu'Amour soit remercié d'avoir persuadé à la belle dame, en l'honneur de qui je fais mes chansons, d'accepter que je me donnasse à elle : aucun don ne pouvait me faire autant de plaisir ! Car si l'on me donnait tout le monde à tout jamais, cela ne me plairait pas autant que le présent que je lui fis de moi-même.
 
III. Il pourrait bien arriver — tellement il a de prix, de sens et de valeur — qu'il [Amour] entrât dans le cœur d'un amant qui lui ferait plus d'honneur : mais j'ai toujours entendu dire aux sages qu'en fait de bien aimer, nous sommes tous d'un égal pouvoir : et un pauvre homme, s'il a de la sagesse, s'y comporte mieux que l'homme accompli et riche ; car moins il se reconnaît de valeur en lui-même, plus il sait de gré à celle qui l'honore et le soutient.
 
IV. Car l'amour parfait n'ordonne pas de choisir un comte, un roi, un duc, ni un empereur, mais un ami dévoué et sans perfidie, franc, loyal, qui se garde de faillir : et quiconque ne manifeste pas ces qualités déshonore sa noblesse et se rabaisse lui-même, car il n'est pas fait pour aimer. Car, en ce qui concerne la noblesse, je ne reconnais qu'un fait ; c'est que celui-là en a plus qui se conduit le mieux.
 
V. Joie fidèle et honorée, puisque vous méritez déjà tant de reconnaissance, pour l'amour de Dieu, doublez l'honneur (que vous m'avez accordé) en me retenant pour votre loyal suppliant, et ne veuillez pas prêter l'oreille aux faux calomniateurs, qui s'ingénient toujours à renverser la joie, telle est leur jalousie. Faites-les mourir tous d'envie ; comme on détruit le péché à l'aide de Merci, détruisez-les (de même), car je ne renonce pas à aimer à cause d'eux.
 
VI. Sachez ceci : si je crois valoir quelque chose, c'est mon seigneur Hugue de Baux, ami de tout ce qui convient à la valeur parfaite et complète, qui me le fait croire : car il me retient avec autant de plaisir que si j'étais cette valeur même qu'il aime au-dessus de tout.

 

 

 

 

 

 

 

 

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