I. Puisque Joie me met en train, je dois bien désormais manifester mon désir; mon cœur s'humilie vers une dame telle que je n'ose lui témoigner [ce que je ressens]; Amour néanmoins me donne la hardiesse de la chanter, mais vous ne saurez qui elle est, car je veux le cacher à tous également.
II. Car il fait très grande vilenie celui qui par outrecuidance se va vantant; mais moi je suis assez habile pour me garder de dommage; je m'y prends, par ma foi, de telle sorte que je sais mentir et, plus souvent, dire vrai; quand je le veux, la vérité est mienne, et, quand il le faut, c'est derrière le mensonge que je m'abrite.
III. Dame, en quelque lieu que je sois,... je me donne et m'offre à vous, car je ne veux ni ne demande la seigneurie d'aucune autre, ni je ne l'irai cherchant; j'aime mieux être soumis à vos ordres que d'avoir l'amour d'une autre au point d'être son égal: faites et dites à mon sujet ce qu'il vous plaira.
IV. Et si quelqu'un vous faisait à mon sujet de faux rapports, je vous sais tellement sage que je n'en éprouverais nul dommage. Je sais bien qu'en disant cala je suis coupable; mais je vous aime, noble dame, si profondément que nul au monde ne pourrait s'imaginer mon amour, si ce n'est celle-là [même] qui s'y entend mieux que moi (c.-à-d. que vous-même) [?].