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Français
Jean Audiau

I. L'autre jour, je trouvai la bergère que j'ai rencontrée d'autres fois ; elle gardait des agneaux, et était assise. Elle fut d'agréables manières, mais elle était fort changée, car elle tenait sur ses genoux un petit enfant qui dormait, et elle filait comme une personne sensée. Je pensai que nos trois entretiens [précédents] l'auraient familiarisée avec moi, mais je vis qu'elle ne me reconnaissait pas, car elle me dit : « Vous laissez votre route? »

II. « Votre agréable compagnie, jeune fille, me plaît tellement que j'ai besoin maintenant que vous me secouriez ». Elle me répondit : « Seigneur, je ne suis pas aussi folle que vous le pensez, j'ai mis ailleurs mon affection ». — « Jeune fille, vous avez commis une grosse faute, tant il y a longtemps que je vous aime sincèrement ». — « Seigneur, jusqu'à ce jour je ne vous ai jamais vu, il me semble ». — « Jeune fille, êtes-vous dépourvue de jugement? » — « Non, Seigneur, si l'on me comprend ».

III. « Sans vous, jeune fille, rien ne saurait me guérir de ce mal [que j'endure], tant il y a longtemps que vous me plaisez ». — « Seigneur, ainsi me parlait en se plaignant Guiraut Riquier, mais jamais je ne m'y laissai tromper ». — « Jouvencelle, Guiraut Riquier ne vous oublie pas ; vous souvient il de moi ? » — « Seigneur, il me plaît plus que vous, et sa vue m'agrée davantage ». — « Jeune fille, vous l'avez fui trop souvent ». — « Seigneur, s'il vient, je crois bien qu'il triomphera de moi! »

IV. « Jeune fille, ma joie commence, car celui qui a fait entendre votre nom dans ses chants, c'est moi, n'en doutez pas ». — « Seigneur, vous n'êtes pas [celui-là] ; jamais de ma vie je ne le croirai ; vous ne lui ressemblez même pas ». — « Jeune fille, Belh Deport exalte mon mérite ; trois fois elle a été votre sauvegarde ». — « Seigneur, la renommée n’est rien, vous vous distribuez un peu trop la louange ». — « Jeune fille, avez-vous souvenance de moi? » — « Oui, Seigneur, mais pas très bien ».

V. « Jeune fille, je vous ai trop fait connaître, et j'en ai du dépit ; ne pensez pas que je vous prie davantage! » — « Seigneur, je me tiens pour satisfaite, car je me suis vengée de notre dernière entrevue ». — « Jouvencelle, de qui avez-vous cet enfant? Est-ce le fruit d'un amusement? » — « Seigneur, je l'ai eu de celui dont j'espère en avoir d'autres, car il m'a prise [pour épouse] à l'église ». — « Jeune fille, comment vous laisse-t-il au bord de la rivière? — « Seigneur, parce que c'est mon habitude ».

VI. « Aimable jeune fille, pourrions-nous nous entendre tous les deux, si je vous en gardais le secret? » — « Seigneur, oui, mais pas pour d'autre amitié que celle que nous nous témoignâmes, la première fois [que nous nous vîmes], puisque jusqu'ici je me suis gardée ». — « Jeune fille, je vous ai bien mise à l'épreuve, et je vous trouve entière d'esprit ». — « Seigneur, si j'avais été légère, ce n'est pas vous qui m'auriez rendue sensée ». — « Jouvencelle, je vais poursuivre mon voyage ». — « Seigneur, mettez-vous en route! ».

 

 

 

 

 

 

 

 

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