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Français
Jean Audiau

I. L'autre jour, près d'une haie, je trouvai une bergère de pauvre condition, pleine de gaieté et d'esprit ; elle était fille de vilaine : vêtue d'une cape, d'une gonelle et d’une pelisse, avec une chemise de treillis, souliers et chausses de laine.

II. Vers elle je vins par la plaine : « jouvencelle, lui dis-je, créature enchanteresse, j'ai grand deuil que le vent vous pique. » — « Sire, dit la vilaine, grâce à Dieu et à ma nourrice, peut me chaut que le vent m'échevèle, car je suis joyeuse et saine ».

III. « Jouvencelle, lui dis-je, créature charmante, je me suis détourné du chemin pour vous tenir compagnie ; car une jeune vilaine telle que vous ne peut pas, sans un aimable compagnon, paître tant de bétail en un pareil endroit, seule comme vous l'êtes ! ».

IV. — « Sire, dit-elle, qui que je sois, je sais reconnaître sens ou folie. Réservez plutôt votre accointance, Seigneur, dit la vilaine, à ceux auxquels elle sied ; car tel croit en avoir la tutelle, qui n'en a que l'apparence ».

V. — « Jeune fille de noble condition, c'est un chevalier qui fut votre père, qui vous engendra en [votre] mère, tant il en naquit courtoise vilaine ; car plus je vous regarde, plus vous me semblez belle et votre possession me rend joyeux, si seulement vous étiez plus humaine ! ».

VI. — « Sire, tout mon lignage et toute ma famille, je vois retourner et revenir à la bêche et à la charrue. Mais, Seigneur, [me] dit la vilaine, tel se donne pour chevalier, qui devrait faire comme eux pendant les six jours de la semaine ».

VII. — « Jouvencelle, dis-je, gentille fée vous fit don, à votre naissance, d'une beauté parfaite, supérieure à [celle de] toute autre vilaine; et vous seriez doublement belle, si je vous voyais une fois sous moi ».

VIII. — « Sire, vous m'avez fait tant de louanges depuis que vous avez exalté mon mérite que votre amour me plaît maintenant, Seigneur, me dit la vilaine, au point que vous aurez pour salaire, au départ : " baye, fou, baye ", et la perte de l'après-midi ».

IX. — « Jouvencelle, cœur cruel et sauvage s'apprivoise par l'usage. Je m'aperçois, d'après ce court passage auprès de vous, qu'on peut d'une jeune vilaine telle que vous se faire une précieuse compagnie, quand les cœurs sont liés d'amitié, et que l'on ne se trompe pas l'un l'autre ».

X. — « Sire, homme pressé de folie jure, garantit et promet gage ; c'est bien ainsi que vous me feriez hommage, Seigneur, me dit la vilaine ; mais, en échange d'une petite récompense, je ne veux point sacrifier ma vertu, pour prendre le nom de fille perdue ».

XI. — « Jouvencelle, toute créature retourne à sa nature ; nous devons nous préparer à faire un couple, vous et moi, vilaine, en cachette, le long de ce pâturage, car vous serez plus en sûreté pour faire la douce chose ».

XII. — « Sire, oui ; mais, selon raison, le fou cherche occasion de faire folie, et le courtois courtoise aventure, et le vilain recherche la vilaine ; où mesure n'est pas observée le bon sens fait défaut, prétend la gent ancienne ».

XIII. — « Belle, de votre figure je n'en vis une autre plus, ni ayant le cœur plus friponnr, ni ayant le cœur plus perfide ».

XIV. —- « Sire, vous êtes sous le signe de la chouette (?), car tel reste bouche bée devant la peinture tandis qu'un autre attend la manne (réalité) ».

 

 

 

 

 

 

 

 

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