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Français
Jean Audiau

I. L'autre jour, le premier août, je vins en Provence, au-delà d'Alais, et je chevauchais, l'air triste, car j'étais en proie à un profond chagrin ; j'entendis soudain le chant d'une bergère, le long d'une haie, et si douce fut la voix dont retentit la plaine, que, tout surpris, j'allai là-bas, où elle ramassait de la fougère.

II. Et, quoiqu'elle eut, à cause des jeunes branchages [qui la gênaient], serré sa gonelle, avant que je lui demandasse « d'où es-tu ? », elle me tint l'étrivière [pour m'aider à descendre], puis elle me dit : « par quel côté êtes-vous venu, et d'où sortez-vous ? Il me semble que vous êtes marri ; ne m'accusez pas d'être trop bavarde : puisque vous êtes seul, délaissé, j'ai bien le droit de vous questionner ».

III. « Jouvencelle, je veux bien vous dire, quoi que cela [me] coûte, puisque vous vous en êtes si gentiment enquise, le sort qui m'attriste : il me manque une bonne amie, sincère et franche, car je me suis éloigné maintenant d'une trompeuse perfide qui me fait changer ma route, et qui m'eût été seigneur et guide, si elle n'était pas si volage ».

IV. « Doux messire, jamais quiconque s'allie à dame de haute condition ne sera, par le Christ, exempt de se plaindre, eût-il beaucoup vu et beaucoup entendu ; car une noble Dame veut bien qu'on lui rende en actes ses faveurs, mais elle veut que soit oublié le mal qu'elle fait. Ne soyez point disposé à subir ce caprice, il vous en ira de tout autre manière ! Ces inconstantes là ont tôt fait de changer de voie ! »

V. « Jouvencelle, Dieu veuille qu’elle (ma Dame) me délivre du mal qui me cause tant de peine et m’enlève sommeil et appétit ; mais vous, [vous] au visage noiraud, ne croyez pas que je vous demande davantage. Puisque vous m’avez aimablement accueilli, je serai envers vous affable et poli, car il convient que je vous rende grâce de ne vous être point enfuie : de loin, en effet, vous m’avez vu, la première ».

VI. « Sire, j’aurais bien besoin d’un ami qui m’accordât quelque temps [avant de passer] aux actes ou aux attouchements, car je suis jeune et j’ai l’esprit chaste (bien que je me donne devant vous l’air effronté) car je crois qu'en rapport avec ma pauvreté on me donnera un bon mari ; mais, puisque vous montrez si peu d'exigence, j'agirai dans cette mesure comme une [tête] frivole, car, sous la foi de serments sincères, vous aurez mon amitié tout entière ».

VII. « Jouvencelle, j'en serais fort heureux, mais si résistant est [eu moi l'amour qui prend] racine, là-bas, au-delà de La Louvière que j'ai peur que le mal [dont je souffre], après s'être apaisé, ne me frappe plus cruellement ».

VIII. « Sire, vous n'êtes guère hardi, car vous craignez que le mal qui s'est éloigné de vous, vienne vous chercher par la suite ; mais puisque vous me plaisez tant, allons nous reposer sous cet ombrage ».

IX. « Jouvencelle, Dame Escaruenha est guide de mérite, [elle ] qui me donna compagne courtoise et fidèle amante : aussi suis-je complètement débarrassé du mal [dont je souffrais] ».

X. «Sire, vous vous méprenez quelque peu, car vous venez de dire que vous êtes pourvu d'une autre compagne, bien qu'elle soit plus vainement prometteuse ».

 

 

 

 

 

 

 

 

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