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Français
Jean Mouzat

[L’ART D’AIMER SELON UN AMANT HEUREUX]

I. Ne croyez pas que je cesse jamais de chanter, maintenant, quand je vois qu’il y a lieu et qu’il est temps de le faire, et désormais je dois plus souvent composer des chansons, car celle que je chante est si belle et si gaie qu’il m’appartient toujours d’être gai à cause d’elle ; et, pour la belle en qui joie grandit et avance, je ne puis m’empêcher de retracer en chantant sa grande beauté et son riche prix valeureux, car le bien que je fais vient et descend d’elle.

II. Ses beaux yeux clairs, amoureux et riants, et la beauté qui en elle séjourne et prend naissance possèdent si bien mon cœur que je ne me plains ni ne m’irrite des méchantes rumeurs de la gent fausse et maligne, qui, instruite déjà de ma joie, ressent en chacun telle douleur et tel souci qu’elle ne peut supporter de ne pas crier et brailler de cette joie qu’Amour sème entre nous, tant elle est envieuse et d’elle et de lui.

III. Celui qui en amour veut avoir la maîtrise n’y peut manquer s’il entend bien mes paroles, quelle que soit la dame qu’il aime, s’il n’a pas le cœur lâche et faible ; car un homme au cœur faible s’épouvante et se trouble, — et un cœur pauvre fait un pauvre impuissant, alors que le bon augure suit le bon espoir — et celui qui peut choisir une amante loyale et franche ainsi ne s’en sépare pas et lui reste fidèle, qu’avec la joie vient la joie, et, avec la colère, la douleur.

IV. Celui qui de bon cœur ne supporte pas le faix et la peine ne sait pas ce que donne et ce qu’est le vrai amour, car si tant est qu’il se fâche et renonce, il perd en un jour ce qu’il ne recouvrera pas en cent — et celui qui sert Amour droitement sans biaiser, et le sert loyalement d’une façon humble, atteint bien la récompense qui l’attend, et c’est pourquoi je sais que j’aurai honneur et profit si je suis envers elle franc, accompli et amoureux.

V. Dame, mon bien et ma joie proviennent de vous, car je ne chante ni ne m’entretiens d’aucune autre quand je suis en compagnie ; de tout cœur je me donne et me rends à vous — et, s’il vous plaît, ne souffrez pas que tombe le bon amour qui nous tient en joie tous deux ; car toujours je m’efforce et me souvient de dire et de faire tout ce qui peut vous plaire, et de faire avancer toujours plus votre prix, et envers vous je veux être toujours plein de joie.

 

 

 

 

 

 

 

 

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