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Français
Jean Mouzat

[LA SOUFFRANCE ACCROÎT LES JOIES QU’APPORTE L’AMOUR]

I. Bien souvent on est plus désireux de ce qui doit apporter douleur et dommage que de son bien, et je veux dire cela pour moi-même, car je suis allé en toute hâte me mettre en un pouvoir dont je me plains maintenant, et qui me fait souvent soupirer et languir ; quand je crois en tirer du bien, j’en ai dommage, et je, retourne en arrière quand je crois avancer.

II. Ils m’ont bien trahi, ses beaux yeux amoureux, et sa belle personne qui sait si bien se parer, sa douce parole et son aimable accueil, sa conversation enjouée et ses aimables réponses ! C’est pour mon malheur que j’ai vu sa grande beauté avenante, dont mieux que cela je croyais avoir le cœur joyeux ! mais je vais maintenant dans les plaintes et les soupirs, et aucune miséricorde que j’implore ne m’est de quelque secours.

III. Je n’eusse jamais cru qu’en aucune dame fût si grande beauté, et qu’il y manquât la miséricorde ! plus je lui crie merci, et moins elle daigne m’ouïr ; mais son cœur en devient toujours plus arrogant, et toujours mon mal va croissant ; et — que Dieu me garde ! — il est cent fois pire à cause d’elle ; et pourtant il n’y a rien là d’inconvenant, sauf le mal et la douleur que j’en retire.

IV. Le mal qui m’en vient me serait bel et bon, belle dame, pourvu que je puisse le supporter, car sans tourments nul ne se peut enrichir d’aucune affaire excellente ; et ce que l’on conquiert à grand tourment, on l’apprécie davantage, et on le tient pour plus secret et plus précieux que ce que l’on a toujours à sa disposition, car celui qui gagne facilement dépense volontiers.

V. D’où je croyais tirer le plus de joie, je tire le plus d’affliction et le plus de souci ; c’est pourquoi on ne doit pas trop avoir d’angoisse du chagrin : mais je ne puis guère agir ainsi, car le me suis trop réjoui à cause de vous au commencement, dame, mais maintenant je vais pleurant, comme un malheureux qui ne sait où il va.

VI. Si à ma Dame plaisaient mes chansons, Linhaure, ce serait bien plus agréable pour moi, là-bas, car je n’aurai désormais aucun désir de rien et ne pourrai faire bon semblant jusqu’à ce que j’obtienne d’elle ce que je demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

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