[SUR UN VÉRITABLE CARILLON DE RIMES, UNE FLAMBÉE DE DOULEUR]
I. Une violente douleur me prend, me frappe et me presse ; elle veut que plus je ne vive, tant elle est pour moi cruelle. C’est pour cela que je fuis tout ce que je vois, et je suis à peine vivant, car un désir plein de souci me plonge dans les songeries.
II. Quel que soit le pays que je parcoure, où que j’aille, et d’où que je vienne, je ne vois aucune dame qui m’assujettisse, ni aucune qui me plaise et dont je veuille m’occuper — et je ne m’occupe que d’une seule, qui m’a conquis ; et je fais bien mal ! car elle ne me juge pas digne d’elle, et moi je n’en veux pas d’autre.
III. Car son amour qui me tient prisonnier, m’enchaîne et me torture de faim et, si elle ne m’ôte cette flamme, je comprends bien qu’elle ne m’aime pas ! mais moi je l’aime si violemment que j’en flambe tout vif ! D’aucune autre mon cœur ne dépend — qu’ai-je dit ? je ne dépends vraiment de nulle autre !
IV. De moi elle peut faire n’importe quoi, elle ne me trouvera point réticent car je lui garantis que je m’affligerais pas pourvu qu’il lui plaise de m’accueillir. Si elle m’accueille je ne m’afflige de rien, et je suis celui qui ne connaît pas l’orgueil, et je n’en montre point envers elle.
V. Je ne sais pas du tout dire comment je vais, car de douleur et de désir le meurs. Amour me fait la guerre et me tue, et sur moi porte ses coups ! J’ai fait un tel assaut que je l’ai pour ennemi, mais j’ai envie de me rendre puisque je vois qu’Amour ne se lasse pas.
VI. Maintenant m’a déclaré la guerre une folle race encornée, mais si ma dame m’aide, nous l’aurons bientôt vaincue tout deux ; car ils sont vaincus pourvu seulement qu’elle m’aide. Sinon, voilà la guerre arretée, et moi me voilà recru.
VII. Que Dieu m’assiste si jamais je m’éloigne de ma Dame ! Peironet, salue-la pour moi, et que Linhaure la salue !