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Français
Jean Mouzat

[DÉCLARATION D’UN AMANT TOURMENTE PAR SON VASSELAGE EN AMOUR]

I. Mon cœur et moi-même, et mes bonnes chansons et tout ce que je sais dire et faire d’avenant, je reconnais que c’est de vous, noble dame, que je l’ai reçu en tenure ; de vous, à qui je n’ose ni découvrir ni montrer l’amour que j’ai pour vous, et dont je languis et soupire ; et puisque je n’ose vous montrer ni vous dire cet amour, ni le bien que je vous veux, j’oserais difficilement m’enhardir, si cela vous déplaisait, à vous de parler de mon cœur.

II. La première fois que je vous vis, il aurait bien fallu, Dame, que vous ne fussiez ni si belle ni si accomplie, et que vous ne sussiez pas si aimablement parler, afin qu’Amour ne me fît pas vous aimer autant, car alors le me pâmai, quand de mes yeux je vous vis rire, d’une douceur d’amour qui me vint frapper au cœur, et qui me fit si bien trembler et frémir qu’il s’en fallut de peu que devant vous je ne meure de désir !

III. Alors, Dame que je désire et chéris, je m’éloignai de vous, à contre-cœur et plein d’envie, si bien que jamais plus je ne fus maître de moi, sinon pour dissimuler les sentiments de mon cœur. Par là je comprends qu’Amour veut m’occire, et puisque cela lui plaît, il m’est doux de le souffrir, car, autrement, je ne pourrais mourir si aisément et dans un si doux martyre.

IV. Ah, quelle impulsion m’a donne mon cœur loyal et aimant ! car jamais je ne fus prompt à tomber amoureux ; et quand je vois, Dame, que le lieu et le moment sont propices, pour rien au monde je n’ose vous dire mon souci, et il ne vous plaît pas de connaître mon tourment ; pourtant vous pouvez facilement vous apercevoir du désir que j’ai de vous par maint soupir courtois que vous me voyez faire quand je vous vois et vous regarde.

V. Et bien que j’arrange, en un mois ou deux, de quelle façon je pourrais bien vous solliciter le plus courtoisement, je l’oublie quand je vois votre beau visage, tant et si bien que je ne puis me souvenir ni me remémorer, tellement je jouis de vous voir quand je vous vois ; et quand je m’éloigne de vous, je suis en tel souci que je ne peux pas du tout dormir la nuit dans mon lit, et je ne sais rien faire que gémir, et me tourner et me retourner !

VI. Dame, ce chagrin et ce souci me sont si chers que plus j’y songe, plus je veux y songer ; et maintes fois je suis avec mes compagnons et je préférerais être seul, tant je me plais à réfléchir et à considérer vos mérites ; mais par là je m’irrite contre moi-même et je me meurs, car je sais que je n’ose pas vous dévoiler ce dont je souffrirai, je crois, bien longtemps.

VII. Linhaure, j’ai été en grand souci, mais je sens maintenant mon cœur s’alléger, car je suis avec Agout, dont je ne puis m’éloigner, et de qui personne ne peut dire trop de bien.

VIII. Hélas, Douce Chose, par vous je suis en souci, car je ne peux vous expliquer mon cœur — mais je vous appartiens et ne veux point vous quitter, car personne ne peut dire trop de bien de vous !

IX. Plus-Avenant, je sais bien, et saus aucun doute, qu’aucun mal ne peut advenir à nul homme quand il vous voit et vous contemple de tout cœur. 

X. Dame Marie, vous faites dire tant de bien de vous ! à cause de cela je n’ai cure de dire du bien de vous.

XI. Bel Emeraude, vos désirs sont si pleins d’honneur et de raffinement que vous devez dans la joie supporter le bien et le mal, la hardiesse et la gratitude, le souci et la souffrance et le tourment.

 

 

 

 

 

 

 

 

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