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Français
Jean Mouzat

[LE POÈTE TROUVE EN PROVENCE UNE JOIE QUI COMPENSE SES MALHEURS PASSÉS]

I. Bien que jamais rien ne soit si bien accueilli que les chansons et les joyeux divertissements, dans ma joie je ne veux point manquer de faire un « vers », ce qu’on a requis de moi ; car celui qui possède de solides connaissances doit faire ce qui plaît au mérite ; il ne doit pas dissimuler et cacher son talent quand il convient de montrer et de dire qu’en tous lieux la rectitude a grande valeur.

II. Rien au monde ne saisit quelqu’un aussi bien, et ne donne aussi vite joies et émois, et n’apporte de dons aussi lourds qu’Amour, qui conquiert les amants ; Amour a tout pouvoir de vaincre ; et, quand il m’en prend souvenance, alors je songe que je ferais mieux de me tuer, moi qui ai été coupable de fuir Amour et la grande bienveillance que je voyais !

III. Mais il ne sied point que je reste dans les tourments, ni que j’en détourne mon cœur si fin ; et pourtant elle m’écrasa d’un faix pesant, la belle et perverse trompeuse ! si bien que j’avais toute l’apparence de la mort, mais j’ai maintenant trouvé le salut, de telle sorte que j’ai été aimablement sauvé de la mort, car il vient de la plus gracieuse qu’on puisse distinguer en ce monde, et je reste près d’elle à faire la pénitence qu’elle m’impose.

IV. Et je fus courtoisement sauvé, car j’ai encor en la bouche la douce saveur et la joie du baiser par lequel je fus accueilli si gracieusement par elle qui jamais ne commit de faute ; et puisque le commencement en fut si suave, jamais la douceur de ce baiser n’a pu quitter ma bouche ; non, jamais plus je ne dois faillir, ni faire ou dire vilenie !

V. Et comme je n’ai pas été privé un seul jour de la voir, elle de qui naît la beauté, et qu’un fol esprit amène le refus, qu’elle soit mon guide et mon maître ; et maintenant je vais, sans nul doute, trouver la juste compensation aux torts que j’ai subis, en Provence — et si j’ai jamais reçu [d’Amour] quelque chose dont je lui sache gré, et aussi du seigneur Agout et de ses amis et connaissances, c’est là-bas que je l’ai.

VI. Je voudrais que mon « vers » soit entendu par mon beau « Trésor », là-bas par delà Chivasso, car il est la clarté et le rayon de Prix ; et que ce « vers » aille, quand il l’aura quitté, devant « Riche-de-Joie », lui dire que le Souverain d’Argence (1) et ma Dame m’ont fait venir ici, par delà [les monts] ; car, si ce n’était pour eux, maintenant je serais sans doute Lombard par volonté et fortune.

 

1) L’Argence était la partie du pays d’Arles située sur la rive droite du Rhône. (

 

 

 

 

 

 

 

 

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