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Français
Jean Mouzat

[PRIÈRES ET PROTESTATIONS POUR OBTENIR LE DON D’UN BAISER.]

I. Il convient maintenant qu’en chantant je me console du mal qu’Amour me fait supporter et subir, car ainsi, plus souvent je chante, plus je suis gai et de meilleure humeur, et ainsi je réjouis mon cœur lorsque j’ai du chagrin ; et donc je ne m’arrête ni me détourne des chants, car il tire plus de valeur et paraît plus accompli en amour, celui qui sait mieux et plus souvent faire ce qui convient à Prix et à Jouvence.

II. Et donc pourquoi vais-je ainsi tardant à faire mes chansons, puisqu’on acquiert plus de valeur quand on est gai et qu’on chante ? — Parce que j’ai en moi une angoisse si grande qu’il est merveilleux que je puisse dire ou faire quelque chose de bien — quand je songe que celle qui me plaît le plus au monde ne connaît ni le fardeau, ni le désir, ni le tourment qui naissent et viennent d’elle — et je n’en ai guère d’autres, et je ne sens pas en moi assez de hardiesse pour oser lui dire, de mon vivant, ce qui est dans mon cœur.

III. Et pourtant je crois bien qu’elle connaît mon désir — mais quel profit y trouvé-je, quand elle ne fait pas mine de vouloir consoler mon chagrin ? pourtant je serais à jamais riche et fortuné, si la bonté forçait son cœur de telle sorte qu’elle me donnât un baiser — Qu’ai-je dit ? Je me précipite bien trop ! Je ne crois pas que jamais une aussi somptueuse joie m’illumine ! Alors, pour quelle raison est-ce que je l’aime, puisque je n’attends aucune joie, et que, plus je la désire, plus j’ai de malheur ?

IV. Je ne me lasse pas le moins du monde de l’aimer, bien que je n’ose lui dépeindre mon constant désir ; car je sais bien que depuis l’heure de ma naissance je n’ai jamais aimé personne comme je l’aime ; et, si je l’aime, je suis bien dupé, car son cœur plein de gaîté n’est pas attiré vers le mien, qui est envers elle sincère, délicat, franc, doux et humble, et je fais la promesse que je me dévoue, me donne et me rends à elle.

V. Quand il me souvient de sa mine avenante et d’un regard qu’elle me jeta, elle me retient, et je ne considère ni tort ni dommage ; je ne tourne pas mon cœur et mes yeux d’un autre côté ; l’amour pour elle ne m’a jamais autant pressé, car un doux effroi mêlé d’émotion me saisit ; mais je ne m’irrite pas, car je sais souffrir ; si la mort ne m’en empêche, le cœur plein de félicité, je la servirai toujours de manière accomplie.

VI. A sa merci je demeure, où que j’aille — mais comme je ne me rends pas plus souvent près d’elle, la peur me paralyse, et la crainte que j’ai des trompeurs médisants, des méchants calomniateurs — car le Seigneur Itis et mon beau-frère savent bien que par les braillements mensongers des mauvais médisants (que Dieu les abaisse !) Amour tourne à mal et rompt et se fend… et la dame qui les croit, les tolère et les supporte fait une lourde faute.

VII. Chanson, va vers mon « Plus Avenant », car ce sera fort bien s’il te prend, s’il t’apprend et te chante.

 

 

 

 

 

 

 

 

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