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Français
Jean Mouzat

[CHANSON DE LA PARFAITE JOIE.]

I. Non, je n’abandonne ni ne délaisse les divertissements et les chants, et le ne me décourage nullement pour une perte ou un dommage ; et, quand un avantage m’arrive, je ne m’en donne pas une trop grande joie, car c’est ainsi qu’il convient de faire pour réussir. Pourtant je suis sorti de l’ennui et du chagrin, car une somptueuse joie venue de ma dame que j’adore, parfaite, pleine de douceur, fine, précieuse et authentique, arrive à mon cœur et me comble d’aise.

II. Ah ! elle me captive avec tant de grâce, la belle que je courtise, quand je me souviens de mon cœur, qu’elle me déroba, tout soupirant, lorsque son haleine vint vers moi, en me donnant un baiser sur la bouche ! et le cœur suivit l’haleine, car elle le tira à elle par cet artifice, et ce doux baiser eut si douce saveur ! La belle qui me comble me témoigna ensuite tant de faveur que depuis, plus jamais ne me manque la Joie !

III. Cette Joie me ravit et m’a arraché aux tourments, me renouvelle et prend possession de moi, et par elle je me réjouis en chantant… La belle voit et sait bien que je n’éloigne d’elle ni moi, ni mon désir, et que de sa merci je ne me détourne ni ne change ; au contraire, comme Amour m’attire vers un seigneur si riche d’honneurs, je le tiens quitte du tourment qu’Il m’a fait souffrir, maintes fois, dans maintes épreuves.

IV. Par elle et pour elle j’aime la Joie qu’humble, j’implore d’elle, et la proclame en la manifestant, car, fins et bons, son mérite et l’honneur qu’elle maintient vont progressant ; ses actions gaies et courtoises sont pure joie, et il est juste qu’Amour et Joie la comblent ! Elle est si gaie de sa personne que les oiseaux chanteurs dans les haies en sont pleins d’allégresse, et font fête en chantant trilles et roulades.

V. Et puisqu’il en est ainsi, qu’il lui plaît que je sois ainsi exalté, elle m’a conquis à jamais, pour faire tous ses désirs ; car d’un cœur plein de foi je l’aime, de telle sorte que jamais je ne me détourne autre part, je garde le droit chemin et fuis les excès ; et si, malgré les criailleries traîtresses que font les envieux mensongers, elle ne change pas et ne s’irrite point, je suis plus comblé d’amour que Floris dans le palais !

VI. Une Joie avenante et somptueuse, fine, valeureuse et vraie, surabonde chez messire Agout, mon seigneur, tout autant qu’un riche rubis balais surpasse un morceau de verre !

 

 

 

 

 

 

 

 

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