[APPEL A LA MERCI DE LA DAME, ET DEMANDE INSTANTE DU « DON ».]
I. Par le chant il me faut me distraire du chagrin et du souci, car j’ai été en telle affliction que les soupirs m’ont presque tué ; et j’aurais besoin que par MERCI je puisse faire une conquête telle qu’elle améliore la matière de mes chansons et qu’elle mette plus de joie en mon cœur.
II. Mais point ne se peut éloigner de moi un désir qui me lie et me rend captif, car tout mon cœur me pousse vers celle qui pourrait me guérir — et, si elle n’a pas de moi MERCI, qu’elle sache que je mourrai par elle, car mon mal est si perilleux qu’un autre médecin qu’elle ne m’est d’aucun secours…
III. Amie, veuillez ne point m’occire, car si jamais je commis des fautes, je m’en abstiendrai envers vous, ainsi que vous l’entendrez dire ; car je suis maintenant à votre MERCI, et j’ai toujours été à vous ; je suis en tout temps votre homme-lige, et je reviens toujours à vous ! (1)
IV. Dame, nuit et jour, je songe à votre beau corps avenant, car nulle autre que vous n’est l’objet de mon amour, et je ne désire rien d’autre sous le ciel ; car ainsi vous me tenez captif à votre MERCI, si bien que je n’ai plus mon cœur avec moi… Puisque vous nous avez, et moi et mon cœur, gardez-les tous les deux, pour qu’il m’en advienne quelque avantage.
V. Car je suis fait pour vous servir et pour obeir à vos ordres, car vous m’avez crée à partir du néant, et je dois grandement vous en savoir gré — Dame, par Dieu, et par MERCI, je vous prie de me faire quelque bien, car j’ai si grande convoitise de vous que je meurs si je ne reçois point le don !
VI. Seigneur Agout, en tout temps votre mérite est grand et raffiné !
1) Comme l’oiseau de chasse qui revient au chasseur, rappelé reclamatz, par le reclam ou leurre. Cf. E. Levy, Petit Dict. p. 316. (↑)
