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Français
Jean Mouzat

[LE POÈTE JALOUX ATTEND AVEC IMPATIENCE UN MESSAGER… ]

I. Parce que le messager que ma dame aurait dû m’envoyer est si long à venir, j’ai pris le pays de Limousin en dégoût, et c’est pourquoi je n’y retourne pas et que n’y retournerai pas, puisque ce n’est pas sa volonté ; et pourtant, s’il lui plaisait ainsi, cet homme-lige qui lui appartient accourrait vers elle à quelque moment que ce fût…

II. C’est pour cela, o Dame, que j’ai peur que vous ayez envers moi le cœur volage, et j’ai des raisons d’être en souci ! car si je me tourmente et qu’un autre possède l’objet de mon tourment, je serai bien saisi et affligé ! et ce sera me faire grand tort, à moi qui ai la peine, si je perds ma joie et qu’un autre s’installe en elle — bien que je ne croie pas que ceci puisse arriver.

III. Tout comme le feu embrase le bois, et que, plus il y en a, plus la flamme est grande, je suis embrasé par celle qui me dédaigne, et auprès de qui ni joie ni gaîte ni chansons ne me servent de rien — Et pour cela je crains bien, Amour, que tu ne me trompes, car toujours tu me la fais aimer quoi que j’en souffre, et tu me dis que bientôt sera guéri mon tourment !

IV. Belle dame, je crois bien que le désir me détruira, moi qui suis votre homme-lige et votre serviteur, si vous ne me secourez pas avant que ne triomphe de moi le désir et ne me tue la convoitise ; car j’ai grand besoin de votre aide, o douce dame de grand prix ! et si vous voulez ma ruine, puisque je suis votre vassal, c’est vous qui en aurez le dommage !

V. Jamais nul homme — qu’ainsi Dieu m’aide et m’assiste ! — ne souffrit, je crois, par amour un mal aussi grand que celui que je souffre, car le désir et la douleur mortelle me tailladent le cœur ! Pour Dieu ! Amour, ceci n’est guère équitable, que j’aie la souffrance et tout le supplice, et en cette affaire je ne vous tiens pas pour impartial !

VI. Mais ces jaloux avec qui j’ai engagé une querelle, s’ils sont méchants et grossiers, peu m’en chant ! et j’ai grand souci parce qu’ils croient maintenant qu’Amour tombe par l’effet de leur méchanceté ; puisqu’ils n’en tirent aucun profit, qu’ils ne s’en occupent plus et qu’ils se soucient d’autre chose, car ce ne sera jamais à cause de leur espionnage qu’une dame accomplie abandonnera son ami de cœur !

VII. Seigneur Agout, ce n’est pas faire œuvre de fou le jour où je me tourmente pour celle qui me torture, car avec un peu de peine elle peut alléger mon mal.

 

 

 

 

 

 

 

 

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