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Français
Jean Mouzat

[MALGRÉ LES DÉDAINS DE « MIEUX QUE BIEN », GAULCEM PROTESTE DE SON AMOUR.]

I. Tout ce que les amants malhonnêtes et négligents lui font perdre, Amour le retrouve grâce à moi par un excès d’amour, car il m’a trouvé loyal et humble, et maintenant il me fait aimer à l’excès, dans la crainte, une dame à qui je ne plais point — Or donc, est-ce folie d’aimer ainsi ? — Non pas, car la folie, je la tiens pour raisonnable, et c’est le privilège d’Amour de vaincre comme et où il lui plaît ; et ce qui semble être folie chez un autre est pour lui plaisir, bon sens et bon vouloir.

II. Avec une telle adresse on obtient mainte faveur, mais dans mon souvenir il ne me paraît pas que ce ne soit qu’embarras et folie d’aimer celle auprès de qui je ne trouve aucun encouragement… Et donc, pourquoi est-ce que je l’aime et ne puis en détourner mon désir ? — Je ne puis, parce que je suis réduit à l’impuissance et parce qu’Amour me possède, et me montre ses mérites, ses gracieuses paroles et ses fines beautés avec lesquelles elle me captive — mais cette captivité m’enchante…

III. Il faut bien qu’elle me plaise, car elle surpasse les plus charmantes avec son corps savoureux à l’allure simple, douce et franche, et son aspect tout de douceur, si bien que plus je la vois et plus elle me ravit ; et pourvu que j’aie autant que cela, et le désir aussi, n’en ai-je pas assez ? Je suis déjà pleinement à elle… J’en voudrais bien davantage, mais je ne trouve pas en elle d’encouragement, car s’il en était selon mon désir, puisque je l’aime si bien j’en serais aimé de même !

IV. Qu’elle ne m’aime jamais, que je l’aime seul, sans être aimé d’elle, est un honneur pour moi, tant est grand en elle le savoir, et la connaissance, l’amabilité, la gaîté et les dons, et grande sa beauté qui n’a pas de rivale au monde ; la courtoisie, elle l’a, et l’entrain et la jeunesse… Mais que n’a-t-elle eu une autre attitude envers moi, le jour qu’Amour me fit captif de son pouvoir ! car elle ne veut pas que je sois amoureux d’elle, et moi je ne puis me tourner d’un autre côté !

V. Que ferai-je donc ? Tout ceci me met en désarroi, puisqu’elle ne veut pas de moi et qu’aucune autre ne m’agrée. Je ne vois pas de solution, et si jamais j’eus en d’autres affaires l’orgueil au cœur, j’en fais à présent pénitence, car la belle tire vengeance de moi pour toutes les autres : elle m’a donné déjà bon espoir de joie, et j’ai une fois obtenu une convention selon laquelle elle m’octroyait son amour et ses faveurs, mais à présent elle me dit que ce n’était pas vrai !

VI. Avec tout cela, il me prend une si grande terreur de lui cacher (?) (1) quelque chose, que, je vous le dis sans mentir, maintes fois la peur m’empêche de dormir, tant j’ai son amour au cœur, que je redoute de dire ouvertement son beau nom en dormant ; et je me garde de moi-même et des autres, Seigneur Dalfin, mais si j’avais l’espoir que quelque jour mon amitié lui plaise, je souffrirais volontiers et avec patience, tous les malheurs ! 

VII. Dame Mieux-que-Bien est fleur de savoir, maîtresse de joie, reine de mérite, et princesse d’honneur et de beauté, et c’est pourquoi je ne puis d’elle détourner mon désir.

 

1) Sens incohérent. Texte peut-être corrompu. En lisant descelar au lieu de lieis celar, c.à.d. « de trahir, de dévoiler », le sens est bien meilleur. ()

 

 

 

 

 

 

 

 

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