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Français
Jean Mouzat

[LE SOUVENIR D’UNE SOIRÉE HEUREUSE PAR S’ACHÈVE UN CHANT DE CROISADE]

I. Le soir magnifique et plein de joie où, apparition charmante, mon Bon Esper vint gracieusement, accédant à ma courtoise requête, accomplir mon désir, m’en ramène les plaisirs avec le doux souvenir — et me fait composer des chansons auxquelles je croyais avoir renoncé ; car il est bien juste que je chante dans la joie et la gaîté, puisque celle dont je suis amoureux, et qui est la plus belle qui fut jamais, veut bien de moi et de mes chansons.

II. Car sa personne noble et de bonne lignée, courtoise et franche, précieuse et bonne, douce et de haute condition, et aussi ses yeux qui inspirent l’amour savent gracieusement m’attirer vers sa bienveillance, vers laquelle je m’incline, tourné vers la Provence ; ils m’ont élevé si haut que je suis riche et puissant, pourvu qu’à notre plaisir se termine ce délai et que la possibilité n’en fasse pas défaut !

III. Car le juste savoir et la sûre connaissance, la douce apparence et la haute valeur du mérite, la conduite pleine de noblesse et d’honneur sont en elle où je trouve ma joie, et la gaîté qui me rendent poète pour retracer sa valeur ; je lui suis reconnaissant des dons et des savoureux plaisirs, ainsi que du chagrin que je la vis ressentir à la douloureuse séparation, dans l’inquiétude et les soupirs angoissés.

IV. C’est pourquoi conviendrait ici l’indulgence, car je tardai un peu et je ne vins pas en hâte dans sa demeure (1), et à deux genoux je la prie en toute loyauté qu’elle se laisse vaincre par Merci, et me pardonne la faute : car ni biens ni avantages, ni le désir de courtiser et de coucher ne me mettent en retard, et donc qu’elle ne craigne pas que mon désir et mon intention changent.

V. Pourtant, si le voyage que je fais par pénitence là-bas où le vrai Dieu a réellement pris naissance, la douleur ne doit pas régner longuement dans son cœur — car, de l’avis de tous les vaillants, il a le plus grand de tous les mérites celui qui, bien portant et joyeux, va servir le Roi glorieux qui est son Sauveur, car au ciel comme ici-bas la récompense en est magnifique !

VI. Il est temps désormais de partir, et que Dieu notre père, qui pour nous a accepté la mort, soit notre guide, à nous et aux compagnons qui sont nos confrères dans le service du Seigneur ; leur foi soit maintenant mon aide, ainsi que leurs personnes et leurs biens, car le service de Dieu est entrepris ; qu’il [nous] tienne en sa présence, et qu’il lui soit agréable de voir la ruine des puissances du mal !

VII. Dame Marie, vous êtes si belle et de si grande valeur, qu’il n’y a point d’empereur au monde qui ne fut honoré par vos dons.

 

1) Il semble que ce soit le sens de ce passage peu clair, puisque le poète avoue plus loin une faute envers sa dame. ()

 

 

 

 

 

 

 

 

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