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Français
Jean Mouzat

[LA DÉESSE AMORS A POSÉ SA LANCE TRANCHANTE SUR LE CŒUR DU TROUBADOUR (1)]

I. Alors qu’il m’a donné du bonheur et que j’en ai eu du plaisir, Amour me tient maintenant sa tranchante lance au cœur, et avec elle il veut me tuer —Mais il m’occit par un si beau martyre que je lui pardonne sincèrement ma mort ; belle dame au corps avenant et gai, par vous je me plains et pour vous je soupire, et je n’attends que ma mort ; cependant, s’il vous plaît ainsi, cela m’est agréable.

II. Je pris une décision bien folle, et me mis en plus fol souci encore, le jour où je voulus placer mon cœur en une telle inquiétude ; et ensuite je fis un plus mauvais jugement, quand il me vint à l’idée d’oser vous dire et faire savoir, Dame, ce que j’aurais dû cacher ; mais maintenant que je n’en peux mais, je m’en repends, car en tout j’ai agi follement.

III. Grande hardiesse et grande crainte j’eus, quand j’allai vous dire, la mine humble, ce qui était dans mon cœur, que je vous découvris en pleurant ; par miséricorde je vous demande de ne pas me faire souffrir, si j’ai fait envers vous quelque faute par outrecuidante hardiesse, et que je ne meure point parce que je vous désire ; je suis votre vassal, et votre vassal je me fais ; et ainsi que vous le désirez, je prends vos ordres.

IV. Bien que je meure, je ne puis avoir ni mal ni souci lorsque je contemple votre beauté, votre doux regard et votre aimable rire, et tous les dons qu’un homme peut désirer : beauté, gaîté et jouvence, honneur et mérite, valeur et sagesse : il n’y manque que la pitié, dame, car avec la pitié seulement, ils y seraient complètement !

V. Car cet André dont on fait un roman n’eut jamais martyre aussi douloureux pour la reine de France que moi pour celle que je désire : mais elle est si haut placée, que je pense que je n’en aurai jamais de plaisir, si Amour ne la fait pas descendre vers moi — et si Merci veut s’établir en elle — Jamais père ni autre parent ne vous aima si parfaitement !

VI. Cependant, un peu d’espérance — pourvu que vous ne vous courrouciez pas —- j’ai confiance que vous me la donnerez en toute droiture ; je vous prie, en victime loyale, Dame, que vous ayez la clémence de m’exaucer, car je ne vous demande aucune promesse que de vous servir en chantant pour le plus grand profit de votre prix, car je ne recherche ni n’ai en l’esprit autre chose.

VII. Donc, belle dame, ayez souvenance de moi, qui ne vous mens pas, et si votre prix progresse, par Dieu, qu’il n’en souffre pas parce que je vous aime ! Mes souffrances ne peuvent pas s’écrire ; qu’elles soient tout à fait prises en considération par vous, car moi et mon chant, je vous les offre ; et votre chanson, sans me dédire, je la lance pour qu’elle aille vers mon Plus Avinen, de votre part, pour faire connaissance.

VIII. Dame Maria, je vois que si aimable est tout ce qu’il vous plaît de faire et de dire que tous les courtois, les braves et les vaillants sont vos serviteurs.

 

1Amors est comme de coutume une deité féminine ; nous sommes cependant obligé de traduire en faisant d’Amour un masculin. ()

 

 

 

 

 

 

 

 

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