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Français
Jean Mouzat

[PEUT-ON PARTAGER SON AMOUR AVEC UN RIVAL ?]

I. Uc de la Bachellerie, conseillez-moi selon votre opinion : j’aime sincèrement une dame qui me dit qu’elle ne pourrait m’aimer, car elle a un ami dont elle ne veut pas se séparer, sinon selon la convention suivante : elle l’aimerait ouvertement, et elle me prendrait secrètement en sa seigneurie ; et, si je voulais souffrir cela, elle me rendrait heureux ainsi.

II. Gaucelm Faidit, je vous donne un bon conseil, que sans vaines protestations vous preniez ce qu’elle vous accorde ; et, si elle vous accordait davantage — car par la patience on est toujours vainqueur, et beaucoup de pauvres en sont de venus riches — puisque celui qui prend ne perd pas sa peine — et je dis qu’elle est entièrement à moi quand elle fait paraître de l’amour pour moi — et, si j’y voyais autre chose, je serais bien fou de le reconnaître ! (1)

III. Uc, je préfère cent fois rester sans apparence et sans plaisirs d’amour que de souffrir pareille folie, qu’un autre amant ait pouvoir sur ma dame que j’aime sincerèment. Déjà, qu’elle ait un mari ne me plaît pas du tout : considérez, si je savais qu’il y eût un autre homme, ce qu’il en serait ; comme je la désire, je mourrais de jalousie, et je ne sache pas qu’il y ait une mort pire.

IV. Gaucelm, si moi j’avais, d’une dame belle, courtoise et aimable, en secret tout ce que je désire, je voudrais bien mourir, et je mourrais ! Je dis que cela vaudrait mille fois mieux que si je n’obtenais rien d’elle — en cela il n’y a pas de discussion possible — et, de plus, s’il pouvait se faire que je la voie souvent en secret, je lui donnerais tant de plaisir que je sais bien que je conquerrais le surplus.

V. Uc, je ne peux croire que ces plaisirs seraient agréables, mais, au contraire, j’en aurais de l’anxiété, bien qu’ainsi je l’enlèverais à l’autre amant ; et si les choses restaient en cet état, quoi qu’il en soit, le cœur en souffrirait, de faire pareille tromperie avec légèreté ; c’est pourquoi je le lui défends : elle m’aura tout seul, sinon je m’en sépare et reste sauf — je l’abandonne, elle et sa compagnie !

VI. Gaucelm Faidit, il n’a guère de profit, l’amant qui se sépare si légèrement de sa dame, et ceci ne me paraît guère courtois ! Savez-vous ce que je vous conseillerais ? Que vous l’aimiez de la même manière qu’elle vous aime, par jeu et en riant — et que vous ayez une autre amie que vous chanteriez loyalement, et que vous traitiez en tout la première de la façon dont elle vous traiterait.

VII. Uc, il s’en faut de peu que je ne sois d’accord, car ce serait juste et raisonnable — pourvu que là-dessus le jugement soit fait à Ventadour par Dame Maria, qui a mérite et courtoisie.

VIII. Gaucelm, je reconnais qu’elle a grande valeur et j’accepte qu’elle le fasse, pourvu qu’après elle juge aussi le Dalfin qui connaît la voie et l’œuvre de courtoisie.

 

1) Il y a dans les propos d’Uc une certaine incohérence, que nous respectons. ()

 

 

 

 

 

 

 

 

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