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Français
Jean Mouzat

[ARRIVEÉ, OU DÉPART ?]

I. Jauseume, quel parti vous semble-t-il qu’on doive mieux soutenir ? Quand un amant raffiné a si bien conquis qu’il en est arrivé sur le point de coucher avec sa dame, et que celle-ci lui fait l’honneur de lui laisser le choix : soit à la rencontre, soit à la séparation, faire la douce chose et la prendre en baisant — Dites sans hésiter votre opinion, la prendriez-vous de préférence au congé, ou à l’arrivée ?

II. Seigneur Comte de Bretagne, peu me chaut le souci et le tourment de la prendre, car il est bien facile de savoir ce qui vaut le mieux ; et le dis sans mentir que la faire d’abord est sans piège, tandis que de l’autre manière on peut faillir ; et si l’amant va retardant sa joie, puisque sa dame veut la lui donner, il ne me paraît pas qu’il en ait grand désir. Il est fou, et je ne lui reconnais aucun bon sens : il doit à bon droit s’en repentir.

III. Certes, Jauseume, je crois bien que dans cette lutte vous serez vaincu : quand un homme est épris et peut venir en secret baiser le visage, les yeux, la bouche et le menton de sa dame, je le tiendrais pour bien lent s’il ne se souvenait pas alors de l’amour. Vous ne futes jamais amant car vous avez pris le plus mauvais parti, et c’est au congé que le beau don a le plus de valeur.

IV. Seigneur, il sera décidé et jugé comment est, sera, et fut un amant ! Et puisque sa dame le comble de joie, il ne doit pas mettre celle-ci en attente ; et bien que vous m’ayez roidement attaqué, c’est moi qui connaît la meilleure solution : car, lorsqu’un homme a conquis sa joie, elle ne peut plus lui faire défaut, quand il prend ce qui lui fait le plus vif plaisir ; et puis, les baisers et les ris sont, après l’acte d’amour, bien meilleurs.

V. Jauseume, l’amour le plus fin ne vous a jamais eu en son pouvoir un seul jour ! Vous avez choisi le plus méchant parti, tous peuvent s’en apercevoir ! Il a très grande joie, le seigneur qui, au congé, fait sa volonté et puis s’en va quand le jour va paraître, puisqu’il ne peut plus rester. Pour cela je dis que celui qui peut recevoir sa plus grande joie lors de la douce séparation a la meilleure part.

VI. Seigneur, jamais je ne vis fin soupirant ou fin amant ressentir nulle douceur en se séparant de sa dame, bien que je vous entende le maintenir ; mais vous et les autres tricheurs, quand vous avez pris votre plaisir, vous trouvez la séparation délicieuse ; je dis, moi, que l’amant doit prendre la plus grande joie qu’il y ait en couchant avec sa dame au commencement, et sans peur ; puis viendront ensuite les baisers et les êtreintes.

VII. Jauseume, vous dites folie, car selon le droit d’amour mon opinion doit valoir plus que la vôtre.

VIII. Seigneur Comte, je n’ai guère peur qu’aucun homme qui s’y connaisse en amour ose maintenir votre opinion.

 

 

 

 

 

 

 

 

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