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Français
Jean Mouzat

[UN CHOIX DIFFICILE]

I. Gaucelm, je vous donne, à vous et à Hugon, trois jeux d’amour à discuter, prenez chacun le meilleur et laissez-moi celui que vous voulez — Une dame a trois soupirants, et leur amour la presse tellement que, lorsque tous les trois sont en sa présence, elle donne a chacun un témoignage d’amour : l’un, elle le regarde amoureusement ; à l’autre elle presse la main doucement ; au troisième elle touche le pied du sien, en riant — Puisqu’il en est ainsi, dites auquel elle montre le plus d’amour de tous les trois.

II. Seigneur Savaric, sachez bien que l’ami qui reçoit le plus aimable don c’est celui qui franchement et sans cœur félon est regardé par les yeux caressants ; cette douceur vient du cœur, et c’est pourquoi c’est un bien cent fois plus grand ; de tenir la main je dirai ceci, qu’il n’en est ni bien ni mal, car les dames font communément cette politésse pour accueillir quelqu’un ; et quant à l’attouchement du pied, je ne crois point que la dame témoigne ainsi de l’amour, et il ne doit pas être pris pour cela.

III. Gaucelm, vous dites ce qui vous plaît, sauf que vous n’avez pas raison, car dans le regard je ne vois aucun profit pour l’ami, ce que vous soutenez ; et, s’il le croit, c’est folie, car les yeux le regardent, lui, mais aussi ailleurs et, ils n’ont pas d’autre pouvoir — mais, quand la blanche main sans gant étreint doucement son ami, l’amour vient du cœur et de l’esprit ; et que le seigneur Savaric, qui si aimablement nous donne à choisir, maintienne que la pression du pied est une action courtoise, car moi je ne le soutiendrai pas !

IV. Hugon, puisque vous me laissez le meilleur, je le soutiendrai sans m’y dérober, et je dis que cette pression faite avec le pied provint d’une vive amitié dissimulée aux médisants ; et il paraît bien, puisque l’ami a reçu cette faveur et cette pression du pied faite en riant, que l’amour est sincère ; et qui prend pour un plus grand signe d’amour le fait qu’on tient la main fait une sottise ; et quant à messire Gaucelm, qui apprécie davantage le regard, il ne me semble pas qu’en amour il en sache autant qu’il le dit !

V. Seigneur, vous qui dépréciez le regard et l’aimable action des yeux, ne savez-vous pas qu’ils sont les messagers du cœur qui les envoie ? Car les yeux disent aux amants ce que la crainte retient dans le cœur, et donc ils dispensent tous les plaisirs d’amour ; et, bien des fois, en riant et en plaisantant, une dame presse le pied à bien des gens, sans autre intention ; et messire Hugon soutient une erreur, car la pression de la main n’est rien du tout, et je ne crois pas qu’elle soit jamais causée par l’amour.

VI. Gaucelm, vous et le seigneur de Mauléon parlez contre l’Amour, et dans cette discussion il paraît bien que les yeux, que vous avez choisis et que vous défendez comme la meilleure des choses, ont trahi plus d’un soupirant ; quant à la dame au cœur truand, si elle me faisait du pied pendant un an, je n’aurais pas la joie au cœur ; et, sans conteste, la pression de la main vaut cent fois plus, car si l’amour ne plaisait pas au cœur, il n’aurait pas fait tendre la main.

VII. Gaucelm, vous êtes certainement vaincus dans cette lutte, vous et Hugon — et je veux que fassent le jugement mon Gardacors qui m’a conquis et dame Maria qui a si haut prix.

VIII. Seigneur, je ne suis nullement vaincu, et au jugement cela paraîtra clairement ; et c’est pourquoi je désire que s’y trouve aussi dame Guillelma de Benauges avec ses courtois propos sur l’amour.

IX. Gaucelm, j’ai tellement raison que je vous vainc tous deux et assure ma défense — et j’en sais une au gai corps aimable à qui l’on pourrait confier le jugement, mais je vois qu’il y en a assez de trois.

 

 

 

 

 

 

 

 

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