Traduccions - Übersetzungen - Translations - Traducciones - Traductions - Traduzioni - Reviradas

167,015

Français
Jean Mouzat

[DISCOURS SUR LA TROMPERIE ET EXCUSES POUR UNE INFIDÉLITÉ. ALLUSION AU DÉPART POUR LA CROISADE]

I. Le chant et l’amusement, la joie et la galanterie et les divertissements, les manières distinguées, la générosité, la courtoisie, l’honneur, le mérite et l’amour loyal ont été si fort abaissés par la tromperie et la méchanceté qu’il s’en faut de peu que, de chagrin, je ne sois désespéré — car parmi cent dames et cent soupirants je n’en vois pas une ni un seul qui se conduise convenablement en amour, ni qui, en vérité, ne soit pas hypocrite, et qui sache dire ce qu’Amour est devenu — Regardez comme Valeur est tombée !

II. Car, si on en parle, il y a des amants et des dames qui seront hypocrites, et qui diront toujours qu’ils sont loyaux et aiment sans traîtrise, et puis, chacun d’eux est dissimulé et renfermé ; et ils tricheront de ci et de là, de tous côtés ; et les dames, plus elles ont d’amants, et plus elles croient qu’on leur reconnaît du mérite — Mais qu’il leur en advienne le bien qui convient ! car à toutes c’est une honte et un déshonneur d’avoir un amant et de se dérégler ailleurs.

III. Ainsi, puisque conviennent mieux à une dame la beauté, le bon accueil et la gentillesse, les paroles aimables, la distinction, l’affabilité, ainsi doit-elle mieux encore refréner ses désirs ; car un cœur de deux moitiés ne vaut rien, et il n’est pas accompli, puisqu’il change d’opinion : car il sied qu’un seul amour la presse — Je ne dis nullement qu’il ne convienne pas à une dame d’écouter des prières et d’avoir des amis, mais elle ne doit pas dispenser ses faveurs de deux côtés à la fois !

IV. Tant que régna loyalement l’amitié, le siècle fut bon et saus vilenie, mais depuis que l’amour s’est changé en traîtrise, Jeunesse est tombée en décadence, et a chu bien bas ! Et moi-même, puisque je veux en dire la vérité, j’ai tant appris des amants faux et trompeurs qu’il n’est pas sur que je m’en corrige jamais ! car j’ai fui à toute bride loin de celle en qui règnent la distinction, la beauté et la joie, comme si elle m’avait fait du mal, alors qu’elle m’avait sauvé, pousse en avant et exalté.

V. Mais s’il lui plaisait que sa belle personne pleine d’honneur, qui me garde aimablement en loyale seigneurie, s’amadouât un peu, puisqu’elle s’apaise en autre chose, je serais affiné, comme l’or s’affine dans la fournaise ; si sa haute naissance et sa puissance ne me font point tort, et si maintenant elle me sauve de la douleur et daigne le faire, je serai envers elle fidèle, sans fausseté, comme fut le lion envers Golfier de Lastors, lorsqu’il l’eut délivré de ses cruels ennemis.

VI. Et si ces torts, Dame, me fussent pardonnés, j’aurais passé la mer par delà la Lombardie ; mais je ne crois pas faire loyalement le pèlerinage si je ne m’étais pas justifié envers vous ; rien que pour cela vous devriez vouloir la paix ; et comme Merci et Honneur sont en vous, que ma chanson, sans que rien ne la retienne, aille près de vous vous prier franchement qu’il vous souvienne que la bienveillance sied à un noble cœur, et la douceur aussi, et que Dieu pardonne à ceux qui pardonnent bien.

VII. Dame Maria, si grande est la valeur qui reste et règne en vous, noble dame, que je m’émerveille que nulle qualité de cœur ne la soutienne — et pourtant, tous les jours, vous offrez aux troubadours un surplus d’actions aimables, dont puissent les louanges grandir !

 

 

 

 

 

 

 

 

Institut d'Estudis Catalans. Carrer del Carme 47. 08001 Barcelona.
Telèfon +34 932 701 620. Fax +34 932 701 180. informacio@iec.cat - Informació legal

UAI