Traduction
I. Le cœur loyal et humble, je suis venu vers Amour pour lui montrer les maux douloureux que j’ai subis, cruels et peu communs, à cause du doux visage et des mines amoureuses que m’a montrés ma dame dès le premier regard, lorsqu’elle captura et mon cœur et ma pensée, et que je me suis mis en son haut pouvoir seigneurial.
II. A vous, Amour je veux dire en chantant comment ma dame m’a fait captif, pour quelles raisons et par quels moyens, et où elle m’a enfermé, moi son vassal accompli et loyal — Avec un piètre avantage je suis prisonnier et malheureux — et elle m’a retenu, sans aucune pitié, non pas un an, mais croyez-le bien, il y aura sept ans accomplis lorsque pousseront les premiers brins d’herbe.
III. Bien doucement, Amour, je suis venu devant elle, qui me montrait dans ses yeux un air de gaieté et de loyauté, et par merci — car nul homme de chair et d’os ne pourrait jamais détourner mon désir — et par un sourire plein de douceur elle me fit croire qu’elle aurait bientôt pitié de moi, et je le crus, et fis grande folie !
IV. Car je la distinguai, et je la pris comme la meilleure, selon moi, parmi les plus nobles, et elle m’a gardé en sa demeure par ses grandes qualités qui surpassent toutes les autres, tout comme le soleil mieux que tout autre luminaire nous donne la clarté, je puis bien dire qu’elle aussi est une clarté surpassant toutes les autres.
V. La douce pensée de sa belle et aimable personne rend plus aigus mes douleurs et mes maux, car ceux-ci rendent mes yeux sans valeur à force de pleurer pour sa beauté qui m’est toujours présente ; car il me semble que je la vois en pensée, et par là je connais qu’elle me tuera bel et bien, si bientôt envers moi elle n’adoucit pas son cœur.
VI. Et donc, Amour, faites ceci pour moi, afin d’être mon égal en bonne volonté, pressetz si bien ma dame que cela lui plaise et qu’elle me le fasse voir, car je l’aime plus que tout au monde, et vous me rendrez pris sur allègre et comblé quand j’aurai elle l’ascendant du seigneur.
VII. A mon Désir, chanson, va-t-en bien vite, et dis-lui que par pitié il lui plaise que je l’aime.