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Français
Jean Mouzat

[MÉLANCOLIE]

[LE JOUEUR PASSIONNÉ A PERDU, LE HARDI CHASSEUR N’A PU CAPTURER L’ALÉRION]

I. Si l’on pouvait arracher son désir de ce qui vous tient le plus à cœur, quand on ne peut entrevoir de satisfaction, ce serait l’une des actions les plus sages du monde ; car, de toutes les grandes folies qui s’y trouvent, la plus grande revient à celui qui veut rechercher sciemment sa perte, et celui-là fait une double faute — et pourtant il sera difficilement amant comblé, l’amoureux accompli qui ne trouvera pas un plaisir égal dans le bien et dans le mal, dans la joie et dans la peine. 

II. Tout serait également un plaisir pour moi, bien que je sois dans un profond malheur, si Amour voulait me donner son aide pour que la personne que j’aime et désire me paye d’un joie faite de jouissance : il est assez clair qu’il serait convenable que celui qui souffre reçût du bien ; et j’accueillerais cent douleurs avec fortitude, et ce me serait une joie, un plaisir et un honneur, si après cent maux j’étais payé d’une joie.

III. Mais je la perds en espérant le bien, comme celui qui se ruine au jeu, qui joue et qui ne peut gagner, et ne sent ni faim ni soif ni sommeil — Ainsi m’est monté à la tête et m’est entré au cœur, par folie, que plus je perds et plus je m’attends à gagner souvent, tant je suis insensé ! Et cette attente n’est que folie, car pour mon malheur je suis trop amoureux.

IV. Tous ces maux sont extrêmes, car je le sais, en vérité que la haute ascension que j’ai faite, et dont chacun s’irrite, m’a fait tomber bien bas — et pourtant je suis monté si haut que je crus capturer l’alérion qu’on ne peut j’amais prendre vivant, si sauvagement il se défend ; èt pourtant, craintif et humble, j’avais commencé sous la contrainte d’Amour, et pour cela je ne serais pas puni, si j’étais jugé selon le droit.

V. Et puisque rien ne peut m’être d’aucun secours auprès de celle par qui je meurs et brûle et fond, je fais une chose raisonnable, puisque en me faisant violence je fuis de sa présence et me cache — mais je ne vois pas que mes actions sensées me soient d’un grand profit, car je meurs quand je ne vois pas sa gente personne, et quand je la vois le meurs pareillement, car elle ne me fait pas bon accueil ; au contraire, quand je la regarde, elle regarde d’un autre côté, et elle me fait grise mine et ne veut pas de ma compagnie.

VI. Envers ma dame je suis franc et sincère, et plus humble qu’un frère de Grandmont, et elle est envers moi si orgueilleuse que, lorsque je la supplie, elle ne me répond pas — Un destin, qui me vient je ne sais d’où, fait que je n’ai jamais aimé personne sans qu’elle me montrât sur le champ de l’orgueil — et c’est ce tourment cruel et cuisant que me montre Amour à qui je me sui donné : voilà toute la récompense et toute la gratitude que j’en reçois !

VII. Bien que je sois en lourd souci, comme quelqu’un qui n’attend aucune miséricorde — chanson, va-t’en vite, en courant, dire à Mon Thesaur, à qui appartient Montferrat, que je lui demande pardon de ne pas être revenu là-bas.

VIII. Bels Diamans, bien me plaît votre beauté, ainsi que le mérite vers lequel vous montez toujours plus chaque jour.

 

 

 

 

 

 

 

 

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