Traduccions - Übersetzungen - Translations - Traducciones - Traductions - Traduzioni - Reviradas

165,002=052,003

Français
Jean Mouzat

[TENSON SUR LA PERVERSITÉ DES FEMMES]

I. Gaucelm, je ne puis me retenir, car je suis fâché, de disputer avec vous ; j’ai envie de défendre, comme je le puis, les dames que je vous entends critiquer ; l’une d’elles m’accorde la courtoise réparation de ce qu’elle m’avait fait souffrir, c’est pourquoi il convient que pour leur défense je prodigue mes beaux discours.

II. Bernart, en vérité sachez bien que l’on ne voit personne tirer avantage de courtiser les dames — donc je vous fais savoir tout d’abord que vous vous feriez passer pour fou, et, si elle vous vend son amour, n’y consacrez pas tout votre avoir, parce que vous pourriez bien vous ruiner même si vous aviez mille marcs de rente.

III. Gaucelm, n’ayez pour moi pas plus de crainte ni de peur que moi-même ! car je suis amoureux d’une dame que je sers, prie et adore, et telle que sa valeur surpasse la valeur même ; mais c’est vous qui faites une grande faute, car vous abandonnez Amour, Amour qui améliore le meilleur et hausse le plus haut placé, et ennoblit le plus noble.

IV. Bernart, c’est pour cela que j’ai crainte, car je connais l’avilissement qu’elles causent avec leurs semblants, à la manière de l’oiseleur ; et elles mettent l’homme en folie, et quand elles l’ont en leur pouvoir — selon ce qu’en disent les sages — elles le mettent en si grande détresse qu’il ne s’en relèvera jamais.

V. Gaucelm, comment osez-vous dire qu’il y ait des tromperies dans l’amour accompli, vers qui tout le monde s’incline pour lui rendre hommage, car il fait gracieusement se réjouir l’affligé et enrichit le pauvre d’une belle consolation — et que jamais plus, à mon sens, l’homme ne peut sentir de douleur pourvu qu’Amour soit près de lui. 

VI. Bernart, gardez-vous de la trahison de cette personne, votre méprisable amour que méchanceté habite ; mais si vous voulez bien la servir et combler ses désirs, tapez-lui souvent sur l’échinel et gardez-vous qu’à la séparation elle ne vous fasse du mal, car elle s’y connait trop bien en fait de rapine !

VII. Gaucelm, chez vous ne restent pas à dire les mots grossiers et laids, et donc je veux ici finir mon discours qui est raffiné et de bon aloi.

VIII. Bernart, on n’a jamais vu personne tirer de la joie d’un amour vil, et si vous ne voulez pas abandonner [cette personne] tirez le chat par l’échine. [prenez le risque d’en être malmené ?] 

 

 

(Notes de la traduction).

v. 47 : amor semble bien ici être employé dans le sens de « femme aimée », ou sollicitée, courtisée. Cet emploi se trouve souvent chez les troubadours les plus anciens : Jaufre Rudel, Bernait Marti, etc …

v. 51 : corbar, courber ne donne pas un sens satisfaisant. Corba signifie une pièce de bois cintrée. Nous comprenons : caressez-lui l’échine à coups de pièce de bois : battez-la souvent.

v. 59 : canina Econina R. De toute façon le sens est très énergique, l’une ou l’autre lecture est acceptable pour le sens, qui de toute façon est à peu près le même : qu’il s’agisse de sexe ou de canaille, le poète veut dire: un amour des plus vils.

 

 

 

 

 

 

 

 

Institut d'Estudis Catalans. Carrer del Carme 47. 08001 Barcelona.
Telèfon +34 932 701 620. Fax +34 932 701 180. informacio@iec.cat - Informació legal

UAI