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Français
Jean Mouzat

Traduction de N’Albert, eu sui en error par J. Boutière.

I. Albert, je suis dans l’embarras pour juger le différend courtois que voici : deux dames ont eu le désir de donner chacune, comme gage d’amour, un baiser au chevalier qu’elles aiment ; mais l’une, n’osant pas le lui donner, s’est mise à pleurer, tandis que l’autre n’a pu s’empêcher de satisfaire tout son désir ; dites-moi quelle est à votre avis celle des deux qui mérite le plus les louanges de son ami.

II. Seigneur, elle a donné une plus grande preuve d’amour celle qui n’a pas su se modérer en la circonstance, et elle doit recevoir de son ami plus de louanges que l’autre, puisqu’elle a voulu le faire ; car elle a accepté de s’exposer au danger, pour faire la conquête de son fidèle ami ; son ami peut l’en aimer bien davantage, puisqu’elle n’a pris en considération ni sens ni folie ; et mon avis c’est, je vous le déclare, que la dame a agi sous la puissance de l’amour.

III. Albert, vous et les autres amoureux, vous voulez toujours défendre des opinions déraisonnables ; comment pouvez-vous dire qu’un amant doit aimer davantage sa dame, parce qu’elle a fait une folie ? Au contraire, si la dame a su se garder — et garder son fidèle ami — d’une inconvenance, c’est alors que son ami doit l’estimer bien davantage, pour avoir dissimulé sa pensée, et en être joyeux ; quant à la dame que vous approuvez, elle a agi si follement que son mari devrait l’abandonner.

IV. Seigneur, je tiens pour meilleure celle qui n’a su faire ni ruse ni détours ; car ce sont les gens faux et trompeurs qui savent cacher leur pensée et se désister (?) ; et l’on ne peut pas deviner un cœur qui ne se prononce pas… (?) ; car à ce compte, on pourrait pareillement mal juger celle qui se contentera de pleurer ; mais celle-là ne fit pas de tromperie qui voulut révéler tout son cœur.

V. Albert, les amants fidèles qui savent juger les différends amoureux apprécient beaucoup plus les pleurs révélateurs d’amour, tant la dame sut noblement résister à son cœur amoureux. L’amour ne peut guère durer, quand on ne sait pas le dissimuler ni le cacher ; et la dame qui n’a pas voulu s’abstenir de donner le baiser a failli envers son son ami et aussi envers elle-même ; aussi son amant devrait-il le lui reprocher.

VI. Seigneur, je ne sais pas bien apprécier si pour l’amant les pleurs de la dame sont agréables ; a-t-elle (?) patienté pour bien ou pour douleur, ou parce qu’elle aimait vraiment trop ? En réalité celui qui veut payer ses dettes n’a pas besoin d’être longtemps tiraillé (?), car ce qui est fait n’est plus à faire. Aussi, je prétends que celle qui paye avec amour vaut cent fois plus que l’autre, et son ami peut avoir en elle plus de confiance.

 

 

 

 

 

 

 

 

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