I. L'autre jour, le cinq Avril, je rencontrai une bergère à l'ombre d'une aubépine, aimable et belle, occupée à chanter et à moduler un chant de Castille. Je n'en connais point de plus douce, entre mille. [Elle était] vêtue de serge noire, d'un mantelet et d'une gonelle.
II. Je franchis un ruisseau. — « Belle jeune fille, dis-je, si je vous trouve en un lieu propice, seule, sans compagnie, je saurai, dans l'herbe nouvelle, si vous êtes pucelle. » — « Hélas, Seigneur Dieu, je me fie en vous ! Car tant que j'aurai parents vivants, point ne serai ribaude. »
III. — « Jeune fille, entrons dans le jardin, vous ferez acte de courtoisie, et nous ferons un jeu d'amour dont nous rirons [de joie] l'un et l'autre. S'il vous plaisait d'être mon amie, nous serons ainsi, chaque matin, avant le lever du soleil, en ces lieux, et nous aurons de la joie tout le jour. »
IV. — « J'entends bien votre langage, Seigneur, quel qu'il soit ; vous vous êtes trompé de route, suivez votre chemin ! Ma compagnie vous rend fon en ce moment. Par Saint-Martin ! si vous avancez vers moi, tous mes voisins l'entendront, et ce sera vilenie. »
V. — « Jeune fille, au temps de Pâques, quand les oiselets sauvages, remplis d'une véritable allégresse, se réjouissent entre eux dans le bocage, avec vous en cet ombrage, sous la fraîcheur de la verdure, je ferai un jeu d'amour nouveau de votre pucelage. »
VI. — « Seigneur, ne me faites pas perdre l'honneur par [votre] folie ; mon père veut me marier, à mon gré, [à quelqu'un] de très haute naissance suivant ma noblesse. Allez implorer secours autre part —, car celui qui obtiendra le mariage, emportera la fleur.
VII. Seigneur, vous autres, bavards, vous aurez [pour tout profit] la perte de votre temps. »