I. — Guilhem de Mur, que pense faire pour nous le noble roi d'Aragon, puisque nous l'avons trouvé de bonne humeur ? Il m'a fort étonné en ne nous donnant rien à Montpellier, car il sait bien que j'ai grand besoin de ses dons, s'il se souvient comment il se conduisit, naguère, à mon égard. Aussi, s'il lui plaît, il peut bien me dédommager.
II. — Sire Guiraud, le vaillant roi veut nous emmener tous les deux à Murcie pour deux fort bonnes raisons. D'abord, il désire que nous allions l'aider, chacun à la place d'un soudoyer, car nous sommes grands et forts, plus que de commune mesure ; ensuite parce qu'il nous fera grand bien, ami Guiraud, quand nous aurons fait ce qu'il faut pour cela.
III. — Guilhem, le roi fait aller là-bas ceux qui sont courageux dans les combats, et les faits d'armes ne sont l'affaire ni de moi ni de vous ni d'aucun jongleur ; en ce moment, il ne vous veut pas là-bas pour sa seule distraction. Mais s'il fait des conquêtes, à son retour, il nous donnera tant, je crois, que nous serons tous riches. Aussi, maintenant, peut-il se dispenser de nous rien donner.
IV. — Je ne peux éprouver aucun découragement à l'accompagner sans profit pour moi ; et s'il nous fait attendre quelque peu ses dons, il nous fait peiner deux fois plus que les autres ; je pense, Sire Guiraud Riquier, que nous en aurons un double salaire, pourvu que contre les mécréants, nous ayons chacun le coeur à la mesure de notre corps.
V. — Guilhem, vous voulez avoir un valet d'écurie, un berger et un bouvier aux dépens des Sarrazins ; le roi vous les donnera bien. Pour moi, je resterai, car je n'ai pas besoin de tout cela.
VI. — Guiraud, que le roi me donne seulement un bon destrier, un roussin et une bête de somme, ainsi que l'équipement qui convient à un homme de mon genre, j'irai là-bas pour maintenir la foi.
