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Français
Jean Audiau

I. Tandis que j'allais le long d'une rivière tout seul, me réjouissant, je vis de loin une joyeuse porchère gardant un troupeau de porcs ; aussitôt, en suivant le sillon d'un guéret, j'allai vers elle ; elle était, de sa personne, sans grâce, sale, sombre et noire comme poix ; elle avait des seins si grands qu'on eût dit une Anglaise. Moi qui la vis dégoûtante, les bras m'en tombèrent.

II. — Elle demeura immobile, l'air niais, et je lui dis : « Dame courtoise, belle créature bien apprise, dites-moi si vous êtes pucelle ? » Entre temps, sous sa gonelle, elle gratte et frotte énergiquement son gros corps mal fait : sans le pan de sa garnache, on lui aurait vu toute la fente ! Et elle me répondit pendant ce temps, d'une voix commune, avec un beuglement : « Homme, que viens-tu m'enuuyer ? Suis ton chemin, par Dieu ! »

III. — « Aimable jeune fille, dis-je, j'ai pour vous souffert lourde peine, et je vous prie de vouloir bien me dire ce que je vous demande. » — « Seigneur, pour fuir [cette] discussion, et pour éviter un mauvais débat, pourvu que ce ne soit pas répété, je veux bien vous le dire à condition que ce me soit loisible : Ni mari, ni fiancé ne me gouverne ; jamais je n'ai servi à nul homme de passerelle ni de selle, jamais nul ne m'a subornée ». — « Aujourd'hui, jeune fille, vous serez reprise, parce que je sais bien qui vous étreint. »

IV. — « Ne me faites point de reproches au sujet du bouvier, hélas, car il y a longtemps qu'on m'aurait mise en terre, sans la gaieté [qui me vient] de lui. Il joue si bien du chalumeau, il me réjouit et me ranime ! Il ne se passe pas de jour qu'il ne boive avec moi, à même le tonneau, à grands traits, et sans aucune tentative malhonnête, car rien ne se passe entre nous. — « Porchère, il me semble que vous l'aimez d'amour parfait. » — « Oh, moi, seigneur, [je l'aime] plus que porc n'aime le gland ou qu'une truie qui a mis bas n'aime les choux ».

V. — « Seurette, votre conversation est si charmante que vous me transpercez [le cœur]. Je vous prie [d'accepter] que nous allions tous les deux nous réjouir en cette fougère, avant que croisse ma langueur. » —  « Seigneur, je ne crois pas qu'en ce [mois de] Mai, vous me voyiez prendre cette route ; qui se parjure (?) fait mauvaise affaire ! » — « Puisque passe-lacet dépourvu de boucle ne sert guère, que votre bonté me vienne en aide !» — « Vous me ferez faire grande sottise, beau Seigneur, car je vous aime beaucoup. »

VI. — Tout d'un coup, elle manqua, à mon égard, à la [parole qu'elle venait de dire, tellement] que, pour un peu, elle m'aurait fait grand déplaisir. — « Sœurette, fis-je, puisque vous êtes tellement savante en fait de mérite (?), allons nous installer là-bas sur l'herbe nouvelle. » Elle se retrousse les jupes pour mieux marcher sans encombre, et nous allons sous un hêtre ; et là, bientôt elle s'abandonne. — « Du côté de devant, fis-je, vous êtes trop avenante, jeune fille ; aussi ne me verrez-vous point, de cette année, passer par votre chenal. »

VII. — « Parce que vous me voyez d'humeur facile, Seigneur, vous pensez à faire quelque duperie, et j'aimerais mieux être frappée par la foudre, que commettre une telle faute. » Elle prend son chemin et file ; elle s'en va avec sou jupon déchiré, si large qu'on eût dit une maie ; mais, en passant un ruisseau, elle glisse, si vaillamment elle se dirige, et donna un tel coup de mâchoire, qu'elle s'étendit à cet endroit (?). Moi qui vis sa grande habileté, je lui abandonnai tout le terrain.

VIII. — Humble Fleur, pureté ni beauté ne se séparent point de vous, et, parce que vous êtes Fleur de noblesse, mon cœur me dit et me répète avec insistance que celui qui ne vous est point soumis (?) est un insensé.

 

 

 

 

 

 

 

 

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