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Dans un verger clos de murs, |
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à l'ombre d'un laurier feuillu, |
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j'entendis un perroquet discuter |
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sur tel sujet que je vais vous dire. |
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Il est venu devant une dame |
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et lui apporte de lointains saluts, |
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en lui disant : « Dame, Dieu vous sauve ! |
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Je suis un messager : qu'il ne vous déplaise |
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de m'entendre dire pourquoi je suis venu |
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ainsi, vers vous, dans ce jardin : |
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Le meilleur chevalier qui fut jamais, |
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le plus distingué, le plus gai, |
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Antiphanor, le fils du roi, |
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qui a organisé un tournoi en votre honneur, |
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vous envoie cent mille saluts |
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vous envoie cent mille saluts |
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car, sans vous, il ne peut guérir |
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du mal d'amour qui le fait languir. |
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Et nul médecin ne le peut secourir |
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que vous qui l'avez en votre pouvoir. |
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Vous pouvez le guérir, s'il vous plaît, |
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en lui envoyant seulement, par mes soins, |
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un joyau qu'il portera comme gage de votre amour. |
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Vous l'aurez, ainsi, délivré de sa douleur, |
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et, ma foi, je vous dirai encore |
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pourquoi vous devez avoir pitié de lui, |
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car, s'il vous plaît, il veut mourir pour vous |
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plutôt que de vivre joyeux pour une autre. » |
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Alors la Dame lui répond |
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en disant : l'Ami, d'où êtes vous venu |
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et que cherchez-vous donc ici ? |
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Vous me semblez bien éloquent ! |
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Avez-vous jamais ouï dire que j'eusse donné |
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ou offert un joyau |
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à aucun chrétien ? |
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Vous vous êtes donné bien du mal en vain. |
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Mais je vous vois si galant |
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que je vous autorise dans ce verger, |
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à parler et à me dire ce que vous voudrez : |
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Vous n'y serez ni forcé ni pris. |
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Mais je regrette, pour l'amour de vous |
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qui êtes si gracieux et si bien élevé, |
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que vous osiez me donner de tels conseils. |
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— « Et moi, Madame, ce qui m'étonne |
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c'est que vous n'aimiez pas mon maître, de bon coeur. » |
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— « Perroquet, je veux que vous sachiez bien |
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que celui que j'aime est l'homme le plus aimable du monde. |
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— « Qui est-ce donc, Madame ? » — « Mon mari. » |
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« Il n'est pas juste du tout que le mari |
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jouisse d'un pouvoir absolu. |
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Vous pouvez bien l'aimer ostensiblement, |
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puis, après, chérir en cachette |
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celui qui meurt d'amour |
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pour vous, sans nulle feinte. » — |
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« Perroquet, vous êtes trop beau parleur, |
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il me semble que si vous étiez chevalier |
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vous sauriez gentiment prier les dames. |
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Je ne veux pas cependant rompre cet entretien |
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avant de vous avoir demandé pourquoi |
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je devais commettre trahison telle |
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envers celui à qui j'ai juré ma foi. » |
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« Dame, je vous le dirai volontiers : |
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C'est qu'Amour ne se soucie point d'un serment : |
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La volonté suit le désir. |
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« Vous parlez bien, avec l'aide de Dieu, |
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maintenant, je vous ai vaincu : |
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De bonne foi, j'aime mon mari |
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plus que tout homme au monde. |
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Et je ne veux pas d'autre amant. |
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Comment osez-vous me proposer de faire telle sottise |
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d'aimer là où mon coeur n'est pas ? » |
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Dame, ce ne sont point là sottises, |
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et il me semble que vous vous mettez en colère. |
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Cependant, si vous voulez m'écouter, |
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raisonnablement vous ne pourrez plus vous défendre |
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d'aimer Antiphanor. |
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Je vous accorde qu'en toute justice, |
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vous devez aimer aux yeux de tout le monde |
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votre mari plus que nul autre, |
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mais ensuite, vous devez avoir merci |
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de celui qui meurt pour l'amour de vous. |
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Ne vous souvient-il pas de Blanchefleur, |
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qui aima Floris sans tromperie, |
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ni d'Iseut qui chérit Tristan, |
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ni de Thisbé, quand par la fente |
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elle allait parler à Pirame, |
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si bien que personne ne pouvait l'en détourner ? |
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Sur elles vous pouvez prendre exemple. |
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Quel profit aurez-vous si Antiphanor |
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languit et meurt de votre amour ! |
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Le dieu d'amour et sa puissance |
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je sais qu'il vous en puniront, |
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et moi-même, je dirai de vous |
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tout le mal que je pourrai, |
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si, sous peu, vous ne m'accordez |
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que, s'il vous aime, vous l'aimez. |
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« Perroquet, Dieu me conseille ! |
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Je vous répète que je m'émerveille |
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de ce que vous sachiez si gentiment parler. |
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Et puisque vous me voulez tant prier |
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pour Antiphanor, votre maître, |
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je vous supplie au nom du dieu d'amour |
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de vous en aller sans plus tarder, |
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et je vous prie encore de lui dire |
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que je prendrai bientôt une décision |
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et que je lui manifesterai ma volonté. |
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Et si tant est qu'il me veuille aimer, |
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d'autant vous pouvez l'encourager. |
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Dites-lui que, grâce à vos prières, je l'aimerai |
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et ne me séparerai jamais de lui. |
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Portez-lui de ma part cette bague |
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— je pense qu'il n'y en a pas de plus belle au monde — |
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avec ce cordon garni d'or ouvré. |
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Qu'il l'accepte pour l'amour de moi ! |
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Gardez-vous de vous retarder : |
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Dans ce verger vous me retrouverez. » |
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Le Perroquet lui répond alors : |
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Dame, si Dieu me favorise ! |
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Voilà un beau présent : |
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Je vais le lui porter vraiment ; |
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et puisque vous êtes si bien disposée pour lui |
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je le saluerai de votre part. |
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Madame, le dieu qui n'a jamais menti |
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vous accorde Antiphanor pour ami |
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et me permette de voir, avant un an, |
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que vous l'aimez d'un coeur sincère ! |
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Alors leur causerie prend fin. |
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De là, plein de bonne volonté |
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pour la dame et pour Antiphanor, |
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sans plus attendre, du gai verger, |
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droit à son maître, il est venu. |
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Et lui raconte comment il s'est conduit : |
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Il commence par le grand mérite et la grande beauté |
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de la Dame, par ma foi ! |
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Et en cela il a agi courtoisement. |
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Ensuite, il lui dit : Seigneur, jamais |
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ne sera nourri perroquet |
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qui parle en faveur de son maître |
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aussi bien que je l'ai fait pour votre amour. |
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Je m'en fus, en grand secret, jusqu'au jardin : |
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(Je ne voulais pas que quelqu'un |
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pût se mettre sur mes traces |
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et j'aime mieux être libre que prisonnier.) |
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Je trouvais la dame, en effet, |
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et lui fis l'offre de votre amour. |
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Elle vous envoie cette bague |
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qui, je crois, est la plus belle du monde, |
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avec ce cordon garni d'or ouvré, |
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afin que vous les preniez par amitié pour elle. |
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Acceptez-les pour l'amour d'elle |
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et que Dieu vous fasse bien et honneur ! |
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Mais je ne sais pour quel motif |
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nous ne prendrions pas nos dispositions |
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pour pouvoir entrer dans le verger : |
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Je ne sais que vous conseiller. |
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Pour moi, je mettrai le feu à la tour |
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et au plancher, pour servir votre amour; |
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et quand l'incendie sera allumé, |
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vous pourrez entrer tout à loisir |
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pour courtiser votre Dame, |
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l'étreindre et l'embrasser. » |
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Antiphanor répondit vivement : |
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Retournez d'abord au rendez-vous |
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pour parler avec elle, s'il vous plaît : |
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Faites-lui part de nos projets. » |
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Alors les deux amis se séparent. |
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Le Perroquet est pour Antiphanor |
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un vrai et sincère ami. |
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Vers le verger, il part à tire d'aile. |
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Il rencontre la dame sous un pin |
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et la salue en son langage : |
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« Dame, que le Dieu qui vous a créée |
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vous donne ce que vous désirez le plus |
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et vous garde de mal et d'encombre ! |
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Pourvu que, votre chevalier, |
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vous veuilliez l'aimer aussi loyalement |
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qu'il le fait lui-même de tout coeur. » |
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— « Perroquet, si Dieu me conseille ! |
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Le monde entier, s'il était à moi, |
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je le donnerais de bon coeur |
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pour l'amour d'Antiphanor. |
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Mais ce verger est trop bien fermé, |
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les gardes ne se reposent jamais. |
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Ils doivent veiller jusqu'au matin |
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et leur ronde ne cesse une seule nuit. » |
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« Et ne connaissez-vous pas, Madame, quelque stratagème ? |
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— « Moi, non, et je ne m'étonnerais point |
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que vous n'en connaissiez pas, non plus. » |
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« Si fait, Dame : écoutez-moi maintenant : |
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Je vais revenir vers mon maître |
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que j'ai laissé soucieux d'amour. |
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Je le ramènerai cette nuit |
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et le conduirai au pied du mur : |
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Je porterai du feu grégeois, s'il vous plaît, |
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avec lequel je mettrai le feu au clocher, |
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à la tour et au plancher; |
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et quand le feu aura pris, |
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les gardes y courront aussitôt |
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pour l'éteindre à toute force. |
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Quant à vous, n'hésitez pas ! |
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Pensez à lui et le faites entrer ; |
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alors vous pourrez lui parler, |
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et, si ce projet vous paraît bon, |
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quoi qu'en ait le jaloux, |
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vous pourrez vous donner du plaisir avec lui |
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et vous mettre au lit ensemble. » |
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Alors la Dame dit : « Cela me plaît. |
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Allez prendre Antiphanor tout de suite. » |
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Sur ce, le Perroquet s'en va |
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vers Antiphanor qui l'attend. |
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Il le trouve à cheval, |
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garni de son équipement. |
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Il porte le heaume et le haubert |
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ainsi que les jambières de fer ; |
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il a chaussé ses éperons d'or. |
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Il a l'épée ceinte au côté. |
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Le Perroquet vint au-devant de lui. |
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« Seigneur, dit-il, à mon avis, |
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cette nuit vous verrez celle |
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que vous aimez d'un coeur sincère. |
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Votre Dame vous mande par moi |
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d'aller vers elle directement. |
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Allez vite et chevauchez discrètement ! |
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Que nul ne suive votre trace ! |
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Ni que personne, à moins d'être devin, |
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ne puisse savoir votre dessein ! |
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Nous avons besoin de feu grégeois |
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dans un vase de fer ou d'acier. |
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Je le prendrai entre mes pattes |
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faites-le moi donner tout de suite. » |
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Antiphanor, promptement, |
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lui en fait livrer à sa volonté. |
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Ils chevauchèrent avec tant d'ardeur |
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qu'à la nuit, ils furent près de la tour. |
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Les guetteurs cornent dans le clocher, |
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l'un va, l'autre scrute. |
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Ils doivent veiller jusqu'au matin, |
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et leur ronde ne cesse une seule nuit. |
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Alors Antiphanor descend de cheval. |
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Il dépose son équipement tout entier, |
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près de son cheval. |
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Il garde seulement l'épée d'acier |
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ceinte à son flanc. |
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Et il n'en a pas besoin, croyez-moi. |
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Sans crainte, d'un coeur assuré, |
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il s'avance au pied du mur. |
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Le perroquet, de l'autre côté |
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entre dans le verger. Il est impatient |
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de mettre le feu, car il a laissé son maître |
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tout seul et sans crainte. |
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Devant la dame il vient tout d'abord. |
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Comme s'il était un épervier, |
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il va se poser à ses pieds |
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et lui dit aussitôt : |
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« Dame, j'ai laissé mon maître |
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désarmé devant le grand portail. |
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Pensez à le faire entrer : |
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Je vais incendier le château. » |
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« Perroquet, à ma connaissance, |
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j'ai fait tout ce qu'il fallait faire. |
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J'ai les clefs du château près de moi. |
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Les voilà sur ce coussin ! |
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Allez mettre le feu au château ! |
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Jamais, je crois, nul oiseau |
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ne tenta un aussi bel exploit |
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que celui-là. |
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En cachette, le Perroquet, |
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du côté de la tour, près de la terrasse, |
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va mettre le feu au plancher. |
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De quatre côtés, il a pris. |
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Une clameur aussitôt s'élève : |
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Au feu ! crie-t-on d'une seule voix. |
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Et la dame vient au portail. |
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Elle ouvre sans la permission |
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des guetteurs et contre leur gré. |
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Antiphanor entre dans le verger : |
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En un lit, sous un laurier, |
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il va se coucher avec sa dame. |
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Nul ne saurait conter |
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la joie qui fut entre eux. |
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Ni qui, des deux, fut le plus heureux. |
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Il leur sembla, à ce que je crois, |
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que ce fût là leur paradis ; |
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Un grand plaisir se mêle à leurs ébats. |
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Mais le feu fut bientôt calmé. |
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On l'éteignit avec du vinaigre. |
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Le Perroquet pensa mourir |
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Tant il eut peur pour son maître. |
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Aussitôt qu'il put, il vint vers eux |
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et il se pose auprès du lit |
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et leur dit : « Que ne vous levez-vous ? |
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Alons, debout ! Séparez-vous, |
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le feu est mort à l'instant ! » |
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Antiphanor, le coeur serré |
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se lève et dit : |
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« Dame, que voulez-vous me commander ? |
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« Seigneur, de vous efforcer |
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d'agir en preux tant que vous pourrez, |
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aussi longtemps que vous vivrez dans ce siècle. |
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Elle s'approche de lui et le baise trois fois. |
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Antiphanor s'en retourne vivement, |
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en fils de roi, avec son courrier. |
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Voilà ce que conte Arnaut de Carcassès, |
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qui a adressé des prières à maintes dames, |
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pour blâmer les maris |
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qui veulent trop surveiller leurs femmes. |
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Qu'ils les laissent aller à leur guise ! |
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…… cela vaudra mieux, |
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et désormais aucune d'elles ne faillira. |
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