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Français
S. Stronski

(COMPLAINTE DE BARRAL).
 
I. Comme celui qui est si accable de malheur qu’il ne sent pas la douleur, je ne sens pas l’affliction et la tristesse, de telle façon j’ai perdu connaissance ; car la peine monte si haut que je ne puis la concevoir, et personne, tant qu’il ne l’aura pas éprouvé, ne peut savoir comment elle est grande après la perte de sire Barral, mon bon seigneur ; et si je chante maintenant, ou ris, ou pleure, je ne l’apprecie plus comme je l’aurais fait auparavant.
 
II. Car je me demande si je suis ensorcelé ou si j’ai perdu ma raison, alors que je ne trouve plus sa grande valeur ; car il nous maintenait si honorés que, de même que l’aimant attire le fer et le fait monter, il faisait se redresser vers fa dignité maintes personnes attristées et soucieuses ; et qui nous a enlevé la valeur et la joie et l’honneur, la raison et la largesse, le bonheur et la richesse, celui-là veut bien peu notre profit.
 
III. Ah ! combien il en a deshérités qui étaient tous riches en son amour, et combien il y en avait de morts le jour où il mourut et fut enterré ! On n’a jamais vu en un seul en mourir autant ! Même ceux qui l’entendaient nommer comptaient en profiter, tant était éminente sa valeur ; c’est qu’il sut faire son nom si haut, de petit grand et de grand très grand, jusqu’à ce qu’il n’y avait plus de mesure pour le contenir.
 
IV. Ah ! seigneur doux et cher, comment puis-je dire votre louange ? En effet, à l’instar d’une source qui jaillit d’autant plus qu’on la vide, votre gloire croît d’autant plus qu’on y réfléchit et j’y trouve toujours plus à faire : elle ressemble à votre largesse dont le désir augmentait en vous à mesure que les solliciteurs venaient plus nombreux ; mais Dieu, comme à un bon donateur, vous donnait toujours mille fois autant.
 
V. Et maintenant, que vous êtes monte au plus haut, vous êtes tombé comme une fleur qui, quand on la voit la plus belle, alors tombe le plus vite ; c’est que Dieu nous montre par des exemples, que nous ne devons aimer que lui et dédaigner le siècle misérable où l’homme passe comme voyageur ; car autre valeur tourne en deshonneur et toute autre raison en sottise sauf [celle] de ceux qui accomplissent ses commandements.
 
VI. Beau sire Dieu, puisque vous ne voulez la mort d’aucun pécheur et que, au contraire, pour détruire la leur vous souffrites la vôtre tranquillement, faites le vivre là bas avec les saints, puisque vous n’avez pas voulu le laisser ici. Et daignez l’en prier, vous, Vierge, qui priez votre Fils pour plusieurs, et c’est pourquoi il leur prête son secours, car tous les meilleurs ont espérance en vos oberes prières pleines de grâce.
 
T. Seigneur, quelle grande merveille que je puis chanter de vous, maintenant que je devrais plutôt pleurer ! Mais, en meditant, je pleure tellement que bien facilement maints troubadours diront de vous plus de bien que moi qui aurais dû en dire mille fois autant.

 

 

 

 

 

 

 

 

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