I. En été, quand les fleurs apparaissent dans le bois et que les petits oiseaux chantent de joie débordante, moi, j'ai du chagrin à cause d'un amour qui m'est revêche; car je ne désire rien tant que celle que j'aime. Ah! douce amie! Mes yeux vous virent pour mon malheur(1), si la miséricorde ne vous guide.
II. Il me semble que je ne suis plus le même qu'autrefois: tant m'a saisi le grand mal dont je souffre - dont je mourrai même, si elle ne me délivre de la douleur par un doux baiser dans la chambre ou sous le feuillage. Ah! douce amie! Mes yeux vous virent pour mon malheur, si la miséricorde ne vous guide.
III. Souvenez-vous, dame, du moment où vous me donniez seigneurie [et où je vous dis]: « Je m'abandonne à votre service pour toute la vie »! C'est pourquoi c'est(2) injuste, car jamais, d'aucune manière, je n'y forfis (3). Que mes ennemis ne puissent jamais me nuire! Ah! douce amie! On ne doit pas tromper son ami sincère.
IV. Rien ne m'est aussi détestable que de voir le sot calomniateur se mêler de l'amour, qui a le pouvoir de fausser ma promesse. Qu'il soit plus véridique et qu'il observe ce que je dis! Ah! douce amie! On ne doit pas tromper son ami sincère.
V. J'ai vu même un homme que je sais être dur et qui a étudié la nécromancie et la divination, trahi injustement par une femme; et moi, alors, malheureux! je ne me tiens pas pour sauvé. Ah! douce amie! Guidez-moi à bon port, et que Dieu vous bénisse!
VI. Jamais je ne veux ni chant ni rire ni divertissement, si maintenant la belle ne me ménage un accord avec elle. Elle m'a donné une souffrance dont je crois que je mourrai, si bientôt elle ne me réconforte. Ah! douce amie! Guidez-moi à bon port, et que Dieu vous bénisse!
(1) « à la male heure ».
(2) = votre dureté est.
(3) = à cet engagement» ou bien: «...je n'y dérogeai [= à cette seigneurie] »
