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Français
Joseph Anglade

I.—Semblable à la chandelle, qui se détruit elle-même pour faire clarté aux autres, je chante, plus je souffre un dur martyre, pour le plaisir d'autrui. Et quoique je sache parfaitement que je fais folie, car aux autres je donne allégresse et à moi peine et tourment, personne, s'il m'en arrive du mal, ne doit me plaindre de mon malheur.

II.—Car je sais bien par expérience que là où Amour porte son attention folie vaut mieux que sens; donc puisque j'aime et désire tant la plus belle qui puisse se voir dans le monde, quelque mal qui puisse m'en arriver, il ne convient pas que je cesse de l'aimer; car plus elle me fait mourir d'envie, plus je lui dois être reconnaissant de ma mort, si je veux suivre le droit d'amour, car sa cour ne plaide pas autrement.

III.—Donc, puisque je reconnais que je devrai flatter ce (c'est-à-dire celle) qui me combat, je serai, en l'honorant et la suivant, son homme-lige et son serviteur; et si elle veut me retenir dans ces conditions, me voici tout entier à son plaisir, fidèle, franc, sans tromperie. Et si par un tel subterfuge je puis rester en sa cour, il n'y a au monde aucun savoir pour lequel je voulusse changer ma folie.

IV.—Le jour où elle me montra sa courtoisie et me la témoigna par l'accueil amoureux qu'elle me fit, elle pensa me tuer; car au fond du coeur elle alla me saisir et me mit au coeur un désir qui me tue d'envie; et moi, comme un fou qui fait des folies, je devins fou rapidement, car je pensai dans mon esprit ce que moi-même je ne crois pas qui doive arriver.

V.—Si par nulle autre femme qui soit je pouvais obtenir plus de bonheur, j'aurais bien à coeur de me séparer d'elle; mais plus je réfléchis en moi-même, dans tout ce que le monde embrasse je n'en sais aucune, de quelque noble origine qu'elle soit, qui l'égale en distinction; aussi je reste en sa seigneurie, complètement vaincu, puisque je ne trouve aucune amélioration de gré ou de force.

VI.—Chanson, au port d'allégresse, vers lequel Mérite et Valeur se tournent, tu iras dire en Aragon, au Roi qui sait et qui comprend, que jamais je ne fus aussi heureux d'amour parfait comme maintenant; car avec les rames et la voile monte maintenant ce qui ne peut pas se cacher; et pour cela je ne mène pas grand bruit et je ne veux pas qu'on sache de qui je parle pas plus que d'une étoile.

VII.—Depuis (?) que je vous aime, je ne m'estime pas une amande, car je ne suis pas près de vous. Cependant je vous cache pour que en cas de besoin vous me serviez de gouvernail et de voile.

 

 

 

 

 

 

 

 

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