I. — Roi, si jamais vous fûtes homme généreux et libéral, et amateur des femmes d'autrui, faites en pénitence comme il convient à un pécheur, car vous êtes à présent leur ennemi, leur adversaire. Et cela apparut clairement cette année, à la première sortie que nous vous vîmes faire dès les premières fleurs. Si une dame montre encore de l'affection pour vous, ce ne sera désormais que pour accroître sa fortune par votre argent.
II. — Roi, si le noble comte votre père était vivant, jamais il ne ferait, pour mille marcs d'argent, ce que vous faites : faire assiéger Marquesa et tirer sur elle avec vos archers ! Je vous cite comme un des témoins dame Sibylle : vous l'aimâtes et elle vous donna son amour, ce qui, si Raimon de Timor dit vrai, lui fut plus dur que les cornes du taureau.
III. — Et cela fait bien douze ans pleins que je puis vous dire franchement mon opinion, roi déshonoré ! L'on peut vous rappeler l'exemple de la comtesse qui est dame de Béziers : vous lui enlevâtes, alors qu'elle vous accorda ses faveurs, deux villes et cent châteaux-forts garnis de tours. Elle allait perdre entièrement ses biens jusqu'à ce que le sire de Saissac changea le cours des choses.
IV. — Roi de Castille, assis sur un trône impérial, puisque vous êtes riche de toutes les bonnes qualités, convoquez vite par masses et par milliers, de toutes provinces, une grande armée et venez nous apporter ici un secours bienvenu ; vous en aurez l'estime et les louanges des siècles à venir. Puissent les gens de Lérida voir, à l'intérieur de la ville comme au dehors, les incendies de votre armée et puissions-nous contempler tout cela de Montesor.
V. — Comte de Toulouse, l'on ne vous aimera plus si vous n'envoyez pas du secours à Marquesa. Elle a bien plus de prix que n'avait Eléonore : on verra maintenant si vous l'aimez de bon cœur. .
