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Français
Irénée Cluzel

I. Il me plairait beaucoup, Seigneur Roi, à condition de vous trouver lorsque vous avez un peu de loisir, qu'il vous fût agréable de me dire en vérité si vous pensez qu'une aimable dame obtienne par votre amour autant d'honneur que par celui d'un autre preux chevalier : et ne me regardez pas pour cela comme un adversaire, mais répondez-moi franchement !
 
II. Guiraut de Borneill, si je ne me défendais pas moi-même, avec ma science, je sais bien où vous voulez en venir. Aussi, je vous impute à folie de croire que, par le fait de ma noblesse, je vaille moins en qualité d'amoureux sincère. Vous pourriez de la même façon estimer plus un denier qu'un marc d'argent !
 
III. Que Dieu me protège, Seigneur ! Il me semble, en ce qui concerne une dame qui recherche la valeur, qu'elle ne doit jamais succomber pour de l'argent, ni faire son amant d'un roi ou d'un empereur ; c'est mon avis, et cela ne lui rendrait guère service : car, vous, nobles hommes arrogants, vous ne voulez jamais que la jouissance !
 
IV. Guiraut, et cela n'est-il pas mieux si le noble sait honorer et respecter sa dame, et s'il assemble pour cela son cœur et sa puissance ? Parce qu'il est son seigneur, doit-elle moins le priser pour sa valeur, si elle ne le trouve ni désagréable ni arrogant ? On a coutume de dire, dans le proverbe, que celui qui vaut davantage obtient davantage.
 
V. Seigneur, la galanterie subit un grand dommage en perdant la pensée et la bonne espérance : car la conduite d'un parfait amoureux est bien meilleure avant la jouissance. Mais, vous, les nobles, comme vous êtes plus puissants, vous demandez d'abord la jouissance ! Et la dame qui aime celui qui ne s'entend pas à l'amour a le cœur beaucoup trop léger.
 
VI. Guiraut, jamais, je ne me suis fait passer pour très noble afin de conquérir une plaisante dame, mais je mets bien ma puissance et ma valeur à conserver son amour. Si les nobles se font trompeurs et n'aiment plus autant aujourd'hui qu'hier, n'écoutez pas, à mon sujet, le médisant, car j'aime parfaitement les dames plaisantes.
 
VII. — Seigneur, je voudrais bien que mon « Solatz de Quier » et mon seigneur « Topinier » aimassent les dames sans arrière-pensée !
 
VIII. — Guiraut, oui, certes, s'il s'agit d'un amour léger ! Mais, pour moi, ne me jugez pas semblable à eux, car j'ai (dans ce domaine) gagné cent pour un !

 

 

 

 

 

 

 

 

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