I. Et maintenant, Seigneur Rodrigo, choisissez la gloire et le mérite de la chevalerie — sans les actions elles-mêmes — et conservez les durant toute votre vie ; ou, si vous aimez mieux les actions, qu'elles ne soient jamais accompagnées de mérite et de gloire. Mais prenez une telle décision que votre amie soit à vous pour toujours — sinon, perdez la sur-le-champ !
II. La gloire mensongère est une duperie, Raimond ; aussi, vous pouvez savoir que sa compagnie ne me plaît pas ; et je veux avoir toujours les actions elles-mêmes de mon côté, car il n'est pas juste que, par tromperie, j'obtienne ma dame — tant la grâce réside en elle ; c'est pourquoi il ne convient pas que je l'aime frauduleusement.
III. Seigneur Rodrigo, si cela vous aide à prendre plaisir de celle que vous aimez, votre joie est placée sous un astre mauvais (?). Mais, si elle est telle que vous nous la décrivez, elle ne sera jamais votre amante chérie, puisque vous repoussez pour autre chose la gloire et le mérite ; aussi, votre dame changera d'idée lorsque retentiront la renommée et la gloire des valeureux chevaliers.
IV. Votre alternative me paraît réduite à néant, Raimond, car vous ne dites pas la vérité au sujet des faits d'armes, grâce auxquels sont maintenus la Valeur, le Plaisir et la Joie, car ce n'est pas pour des gens de peu que changera ma dame, envers qui je suis engagé ; en effet, nulle folle pensée ne peut être désirée par elle, tellement elle est inspirée par la vérité.
V. Seigneur Rodrigo, la vérité nous est particulièrement agréable (?). Mais la parfaite joie (d'amour) sera bannie loin de vous, et votre dame également, puisque vous ne serez célébré par personne, car les actions sont perdues et s'oublient sans la gloire et le mérite, qui leur servent de guides. La gloire et le mérite font vivre la joie parfaite ; ainsi donc, vous êtes vaincu et rendu à merci.
VI. La honte s'est éloignée de celui qui veut valoir par le mensonge, Raimond ; c'est pourquoi j'ai, sans faute, choisi comme préférables les actions, où tout bien prend racine, car il n'est pas juste que, par des mensonges, me devienne accueillante celle qui est accomplie — si seulement elle avait la hardiesse d'aimer — de toutes les meilleures qualités.
VII. — Puisque nous avons posé la question à débattre, que le Seigneur Gigo juge nos paroles.
VIII. — Cela me convient, car il est le guide de la Valeur même, Seigneur Bérenger, et il me plaît.