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194,019

Français
Jean Audiau

I. — Si vous m’éloignez de vous, méchante dame, ce n’est pas une raison pour que je renonce au chant et à la gaieté, car j’aurais l’air d’être triste de ce dont je suis joyeux. Certes, je fus triste, mais je m’en repens maintenant, puisque j’ai appris, par votre exemple, combien je peux facilement changer ma volonté ; et c’est pourquoi je chante de ce dont j’ai pleuré.
 
II. — J’en ai pleuré, et le principal motif m’en fut donné par telle personne qui ne s’en glorifiera pas, car ce n’est pour moi, quoiqu’elle s’en vante, ni honte ni dommage, et ce n’est pour elle ni honneur ni profit. Si elle m’a échangé sottement pour lui, elle l’échangera peut-être plus follement. Aussi ne lui sais-je nul mauvais gré de cet échange, car elle changera jusqu’à ce qu’elle ait le cœur altéré.
 
III. — Méchante dame, je ne croyais pas qu’il me fût possible, si je vous perdais, de ne pas considérer cette perte comme un dommage, car la manière d’accueillir, où vous étiez si experte, et votre parole gracieuse, et vos aimables réponses vous rendaient agréable plus que toutes les autres. Mais maintenant votre folie vous a privée de cet accueil ; et votre gracieuse parole est changée en astuce, et en peu de temps vous perdrez la beauté.
 
IV. — Méchante dame, vous avez fait de moi un fâcheux et un médisant, et je n’en aurais guère eu le désir, car je sais bien qu’on m’en fera grief et que ma chanson en sera moins estimée ; mais j’aurai voulu pendant si longtemps faire toute votre volonté, — je m’en repens aujourd’hui, — que j’en avais ainsi pris volontairement l’habitude : je ne sais rien dire de raisonnable, alors que vous faites une folie.
 
V. — Tant qu’on fait ce qu’on doit, on est preux, et l’on est loyal tant qu’on se garde de fourberie ; c’est pour moi que je le dis, pour moi qui vous louais antan, quand vos paroles étaient sincères et vos actions honnêtes. Mais malgré cela vous ne devez pas dire que je mens, quoique je ne vous accorde plus aucune valeur, puisque celui qui abandonne ce qu’il a bien commencé n’a point de bonne renommée pour ce qui est passé.
 
VI. — Il serait juste, quoique ce ne soit pas raisonnable, que si une dame faisait quoi que ce soit d’inconvenant, on cachât sa faute, et mît en avant ses bonnes actions, mais on n’en est plus là ! Aussi devez-vous vous garder de faillir ; c’est à vous que je le dis, mais je l’entends de toutes les femmes ; car, si vous commettez une faute, on n’en gardera pas le secret ; bien au contraire on veut en dire plus que la vérité.
 
VII. — Dame Marguerite, vous avez beauté, et jeunesse, et mérite, et courtoisie, et intelligence ; et si j’ai trop parlé de l’autre, comme un homme irrité, de vous j’ai dit beaucoup moins que la vérité.
 
VIII. — Roi d’Aragon, galant et généreux, et conquérant, vous conquérez renommée éclatante ; continuez comme vous avez commencé ; sinon, vous en aurez perdu le bénéfice.

 

 

 

 

 

 

 

 

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