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194,008

Français
Jean Audiau

I. — Pour chanter, je ne manque ni de cœur ni de raison ; je ne manque pas davantage de savoir, si le chant me plaisait ; mais j’étais tellement coupable envers amour que j’en suis resté marri et honteux ; mais puisqu’on m’accorde le pardon de ma faute, il convient désormais que je chante, puisque en ma dame je peux trouver chaque jour nouvel esprit et nouvelle valeur, et beauté plus noble et plus parfaite.
 
II. — Son visage est tellement agréable et tellement beau, et son corps si parfait, et son langage si gracieux et si choisi, que quand je la vois je pense à me montrer prudent, et je me trouble plus ses réponses sont affables, et par timidité je cherche des prétextes, comme si j’étais venu pour autre chose. Et tout cela devrait me valoir autant que de faire ma cour ; car je ne serais jamais aussi timide si je n’étais sincèrement épris.
 
III. — Je serai toujours timide pour faire ma cour ; savez-vous pourquoi ? Parce que c’est déjà une hardiesse d’aimer [ma Dame] ; car on demande plus facilement une faveur, quand elle est petite, qu’on n’en sollicite une grande que tout le monde envie. Aussi, comme il s’agit d’une faveur si précieuse, — quoique je la désire, je n’ose pas la demander à ma dame. Je sais bien pourtant que, si elle voulait me l’accorder, j’aurais la meilleure [dame] du monde, et qu’elle aurait l’amant le plus fidèle.
 
IV. — Elle pourrait certes me rendre heureux avec un moindre bien, mais une telle joie ne m’est pas destinée, et je ne la lui demande pas, car je ne serais pas entendu ; mais je m’en parle à moi-même, car j’en suis désireux, et c’est l’usage qu’un amoureux, lorsqu’il ne peut faire plus, se délecte à en parler ; et moi, du moins, puisque je ne peux faire autre chose, en parler serait à mes yeux un dédommagement ; mais les bavards me font peur.
 
V. — Du moins alors, je dirai dans mes chansons combien sa gracieuse personne est parée de beauté. S’il y avait la pitié, qui est racine de toutes qualités ! mais elle manque en elle, et je voudrais qu’elle y fût, car j’en ai souvent trop de chagrin, et ce qu’il m’est encore plus pénible de souffrir, c’est de trouver en ma dame quelque chose à reprendre ; mais il ne faudrait plus rien amender en elle s’il lui prenait compassion de ma souffrance.
 
VI. — Dame Alazaïtz, vous inspirez à tout le monde de telles louanges que mes paroles sont inutiles ; mais que Dieu ne me donne jamais bien d’amour, si je n’aime la plus belle et la meilleure.

 

 

 

 

 

 

 

 

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