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194,011

Français
Jean Audiau

I. — Je ne croyais pas que l’amour pût me déplaire, ni devenir pour moi un tel ennui, ni un si grand fardeau ; car bien des fois je m’irrite contre moi-même parce qu’un jour jadis j’ai souffert ses tourments. Mais moi, comme un fou, je me croyais honoré parce que j’aimais sincèrement, sans tromperie. Et je vois maintenant qu’en amour rien ne me serait moins profitable que d’aimer, c’est pourquoi je renonce à l’amour.
 
II. — L’amour est à l’opposé de tous les métiers : le plus expert est celui qui en retire le moins d’avantage, car il suffit de peu de bien pour rendre les fous riches et gais, et le profit va tout entier aux imposteurs ; aussi l’amour me semble-t-il une folie. Je me suis donc bien appliqué à faire des sottises, puisque je n’ai pas su vivre un jour sans amour, et puisque jamais personne n’en a retiré tant de mal, sans jamais en recevoir de bien.
 
III. — Et maintenant l’amour en est à ce point que les femmes, avant de savoir lequel est un preux et lequel est un vilain, veulent aimer à l’essai, et pour cela, changent plus souvent d’amant. Et pis encore est un usage qui en est sorti, et suivant lequel, sans amour, on peut avoir une amie. Je n’en dirai pas davantage. Pourquoi ? Parce qu’un ami réprimande avec plus de succès quand il parle aimablement que lorsqu’il s’irrite.
 
IV. — Pourtant si l’amour était comme jadis, je ne dis pas qu’aucune joie puisse l’égaler, car il distrayait de toutes préoccupations ou inquiétudes, à l’exception de celles qu’il donnait, mais qui étaient un plaisir, puisque c’étaient mérite, esprit, largesse et honneur, distinction, savoir et courtoisie, toutes choses qui ont déchu, quand on a faussé l’amour, et qui, si elles n’ont point disparu complètement, ont du moins reculé.
 
V. — Et cependant, quoique l’amour m’ait tué, il faut que je me garde de me laisser entraîner à trop en dire, car il est peut-être quelque ami véritable à qui mon sermon semblerait folie. Et l’on doit secourir un amant sincère, non point le blâmer, tant qu’il suit le droit chemin, — car l’on perd ses paroles et l’on perdrait son ami, — jusqu’à ce que l’amour s’abaisse de lui-même.
 
VI. — Et si l’amour a quelque valeur, il vaut par Dame Marie, en qui sont beauté, et courtoisie, et joie.

 

 

 

 

 

 

 

 

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