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194,002=136,001

Français
Jean Audiau

I. — Donnez-moi votre opinion, Elias, au sujet d’un amant fidèle qui aime, d’un cœur incapable de tromperie, et qui est sincèrement aimé. Que doit-il désirer davantage, selon juste raison d’amour, s’il advient qu’il lui soit donné de choisir : être l’amant ou le mari de sa dame ?
 
II. — Cousin, j’ai le cœur d’un amant fidèle et non point celui d’un trompeur félon ; aussi, je tiens pour honneur plus grand d’avoir dame belle et distinguée tout le temps que de l’avoir seulement une année ; et je préfère être le mari galant qui peut rester toujours auprès de sa dame : car j’ai vu maints autres services d’amour prendre fin.
 
III. — Elias, je tiens pour meilleur ce par quoi l’on gagne en valeur, et pour pire ce par quoi l’on s’avilit tous les jours ; une dame accroît le mérite de celui qui l’aime, une épouse détruit son prestige ; car on loue celui qui courtise une dame, mais on raille celui qui courtise une épouse.
 
IV. — Cousin, si vous aimiez un tant soit peu, vous auriez dit là grande sottise ; car il importe peu à un hypocrite de quitter sa dame après en avoir reçu une faveur ; aussi veux-je rester avec ma dame, que j’aime et que j’adore, à échanger des baisers, car je serais, à bon droit, banni si, quand elle me veut, je lui faisais défaut.
 
V. — Elias, si je refuse de prendre ma dame pour épouse, je ne lui inflige pas de déshonneur, car si je la laisse, c’est par crainte et pour le si grand respect que je lui porte ; en effet, si je l’épouse et la courtise ensuite, je ne peux commettre faute plus grande, et si je suis rude et grossier envers elle, je suis coupable envers amour et je mets fin au service amoureux.
 
VI. — Cousin, tenez-moi pour bien vil, si, pouvant avoir, sans gardien, sans copropriétaire et sans maître, celle que je désire le plus, je demande autre chose ; le mari obtient son plaisir sans aucun tourment, tandis que celui de l’amant est mêlé de douleur. Aussi préféré-je, quoi qu’en dise la rumeur, être mari joyeux qu’amant marri.
 
VII. — Elias, je m’en remets à Dame Marguerite, comme à la meilleure, pour qu’elle tranche ce débat, et que je sois honni si je n’aime ma dame plus que ne fait son mari.
 
VIII. — Cousin, je sais bien qu’elle a valeur si grande qu’elle sait juger un différend d’amour ; et, parce que son mérite est si parfait et si distingué, je sais qu’elle dira que vous avez commis là une faute.

 

 

 

 

 

 

 

 

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