Bertran de Born était l’amant de madame Maheut de Montignac, la femme de Talleyrand ; c’était une dame telle que je vous l’ai dit dans l’argument de la dame imaginaire. Et, comme je vous l’ai dit, elle le repoussa et l’éconduisit ; elle lui adressait des reproches à propos de madame Guicharde, la femme du vicomte de Comborn, une dame de haut mérite, originaire de Bourgogne, sœur de Guichard de Beaujeu. C’était une dame gracieuse, cultivée et pourvue de tous les attraits. Aussi Bertran la célébrait-il en paroles et en chansons. Avant de l’avoir vue, il était son ami à cause du bien qu’il en entendait dire, dès avant qu’elle eût épousé le vicomte de Comborn. Dans l’allégresse que lui causa sa venue, il composa ces strophes qui disaient :
I - “Ah ! Limousin, noble pays courtois, il m’est bien agréable qu’un tel honneur vous advienne, car la joie, le mérite, le plaisir, la gaîté, la courtoisie, les divertissements et la galanterie viennent à nous ; puissent-ils dès avant se trouver dans nos cœurs ! Celui qui s’est prétendu amant doit bien prendre garde aux belles actions qui permettent de faire sa cour à une dame.
II - Présents, service d’amour, beaux vêtements et libéralité nourrissent les amours comme l’eau les poissons, de même que belles manières, valeur et prouesse, armes, cours, guerres et tournois. Et il siéra mal à qui a du mérite, ou s’en est flatté, de ne pas le montrer maintenant, puisque madame Guicharde nous est ici envoyée”.
Et à cause de cette dame Guicharde, madame Maheut le repoussa, croyant qu’il la lui préférât et qu’elle lui rendît son amour. À cause de ce renvoi, il composa la dame imaginaire et le sirventes qui dit : “J’affirme mon innocence, madame, car je ne mérite pas ...” etc.