I - Madame, puisque vous ne vous souciez pas de moi, et que vous m’avez donné congé sans la moindre raison, je ne sais où m’adresser : jamais je ne retrouverai de joie si délicieuse. Et si je ne trouve pas de dame dont l’image réponde à mon inclination et qui vous vaille à mes yeux, vous que j’ai perdue, je ne veux plus jamais avoir d’amante.
II - Puisque je ne peux trouver personne qui vous égale, qui ait tant de beauté et tant de mérite, une belle personne si pleine de joie, si bien parée, si gaie et d’un prix si noble et si vrai, j’irai partout attendre que chacune me donne un de ses attraits pour composer une dame imaginaire en attendant que vous me soyez rendue.
III - Le teint naturellement frais, c’est à vous que je le prends, Belle-Zibeline, ainsi que le doux regard plein d’amour, et je suis bien insolent de vous laisser quoi que ce soit, car aucun attrait ne vous a jamais fait défaut. À madame Alix, je demande l’esprit adroit de ses propos : qu’elle donne à ma dame son aide, et alors elle ne sera ni sotte ni muette.
IV - Pour la vicomtesse de Chalais, je veux qu’elle me donne sans hésitation sa gorge et ses deux mains. Ensuite, je poursuis mon chemin, sans me détourner ; je m’élance vers Rochechouart pour que Madame Agnès me donne de ses cheveux ; de fait, Iseut, la dame de Tristan, qui fut célébrée par tous, n’en possédait pas de si beaux, c’est certain.
V - Pour madame Audiart, quoiqu’elle m’en veuille beaucoup, je veux qu’elle me donne de ses grâces, car la toilette lui va bien. Et, parce qu’elle est parfaite, de sorte que l’amour qu’on lui porte ne s’est jamais brisé ni faussé, à mon Mieux-que-Bien je demande son jeune corps souple, digne de louange : à sa vue, il semble qu’il ferait bon la tenir nue dans ses bras.
VI - Pour madame Faidida, de la même façon, je veux qu’elle me fasse présent de ses belles dents, du bon accueil et des gracieuses réparties qu’elle prodigue dans sa demeure. Pour mon Beau-Miroir, je veux qu’elle me cède sa gaîté et sa mesure, car elle sait se comporter selon la bienséance et elle en a la renommée, et jamais elle ne change ni ne varie cette conduite.
VII - Beau-Seigneur, je ne vous demande rien, sinon que cette dame-là m’inspire autant de désir que vous ; en effet, il naît un amour friand dont mon cœur est si friand que j’aime mieux vous prier d’amour qu’en tenir une autre dans mes bras et l’embrasser. Alors, pourquoi ma dame me refuse-t-elle quand elle sait que je l’ai tant désirée ?
E - Papiol, tu iras dire, par ton chant, à mon Aimant qu’ici Amour est méconnu, et tombé de haut en bas.