I - Je n’ai aucun désir de tarder davantage à faire un sirventés, tant j’ai envie de le dire et de le faire connaître, car j’en ai un motif inouï et extraordinaire : le Jeune Roi a renoncé à ce qu’il revendiquait de son frère Richard parce que son père le lui commande ; en voilà une contrainte ! Puisque Henri ne possède ni ne gouverne aucune terre, qu’il soit le roi des médiocres !
II - Car il se comporte comme un médiocre en ne vivant comme il fait que de ce qu’on lui livre, compté et mesuré. Un roi couronné qui reçoit d’autrui sa subsistance ressemble peu à Hernaut, le marquis de Beaulande, ni au glorieux Guillaume qui conquit la Tour Mirande, quelle en fut la gloire ! Puisqu’en Poitou il ment et trompe le monde, on ne l’y aimera plus autant.
III - Ce n’est pas en dormant qu’il deviendra le roi des Anglais du Cumberland, qu’il conquerra l’Irlande, qu’il possèdera Angers, Montsoreau et Candes, qu’il aura la tour de guet de Poitiers ; et il ne sera pas duc du pays normand ni comte palatin de Bordeaux ni des Gascons, au-delà des Landes, ni seigneur de Bazas.
IV - Je veux donner conseil, sur l’air de “Madame Alamanda”, à Richard, là-bas, quoiqu’il ne me le demande pas : qu’il ne traite plus jamais ses vassaux avec faveur à cause de son frère ! Il n’en fait absolument rien ; au contraire, il assiège, rogne leurs biens, leur prend leurs châteaux, abat et incendie de tous côtés. Et le roi peut bien faire des tournois là-bas, avec ceux de Garlande et l’autre, son beau-frère.
E - Je voudrais que le comte Geoffroy, à qui appartient Brocéliande, fût l’aîné.
E’ - Car il est courtois, et que fût en son pouvoir le royaume comme le duché.