I - J’ai composé un sirventés où chaque mot fait mouche, car cela ne m’a jamais coûté une gousse d’ail : j’ai appris à me comporter de telle sorte que, si j’ai un frère, un cousin germain ou second, je partage avec lui l’œuf et la maille, et, si ensuite il veut ma part, je l’exclus alors de la communauté.
II - J’ai toute mon intelligence sous clef, quoique Aimar et Richard m’aient donné bien du mal. Longtemps ils m’ont tenu dans la crainte, mais, maintenant, ils se sont engagés dans une telle querelle que, à moins que le roi ne les sépare, leurs enfants en garderont de reste dans les entrailles.
III - Guilhem de Gourdon, c’est un battant fou que vous avez mis à votre cloche, et je vous aime, que Dieu me protège ! Mais les vicomtes vous tiennent pour habile et perfide à cause du traité et ils s’impatientent de ne pas vous voir dans leur confrérie.
IV - Chaque jour je lutte et je me querelle, je m’escrime, pare les coups, joue de l’épée et l’on ruine mes terres, on les incendie, on fait de mes fûtaies des terrains défrichés, on mélange le grain dans la paille ; et je n’ai aucun ennemi, qu’il soit audacieux ou couard, qui ne m’attaque pas maintenant.
V - Chaque jour je ressemelle et retaille les barons, je les refonds et je les trempe, moi qui me proposais de les défricher. Et je suis bien fou de m’en préoccuper, car ils sont de plus mauvaise qualité que ne l’est le fer pour saint Léonard, aussi faut-il être fou pour se donner de la peine pour eux.
VI - Talairan ne trotte pas, ne fait pas de sortie, ne bouge pas de son Arenalh, ne jette ni lance ni dard : il vit à la façon d’un lâche. Il est farci d’indolence au point que, quand les autres se mettent en ordre de bataille, lui, il s’étire et bâille.
VII - À Périgueux, à portée de mail d’armes de la muraille, je viendrai en armes sur Baiart, et si j’y trouve un Poitevin ventru, alors on verra comment coupe mon épée, car je lui ferai sur la tête une bouillie de cervelle mêlée avec la cotte de mailles.
E - Barons, que Dieu vous sauve, vous garde, vous aide, vous secoure et vous accorde de dire à Richard ce que le paon dit à la corneille !