I - Puisque la gracieuse saison fleurie s’épanouit, joyeuse et gaie, l’envie m’est venue de mettre mon ardeur à composer un nouveau sirventés qui apprenne aux Aragonais que c’est sous l’influence d’une mauvaise étoile – qu’ils en soient tous bien persuadés ! – que le roi est venu se louer ici comme mercenaire, ce qui le déshonore.
II - Je sais que cet homme de basse extraction qui s’est trop élevé finira à la façon d’un lai et retournera là d’où il est venu : à Millau et dans le Carladais. Quand chacun aura conquis sur lui ce qui lui revient, qu’il parte pour Tyr ! Il sera difficile que, en mer, la tempête ne le purge pas, tant il est peu courageux, mou, faible et paresseux.
III - Il perd la Provence dont il provient, car l’on y préfère son frère Sancho, car lui, il n’a pour souci que de s’engraisser et de boire en Roussillon où Geoffroy fut dépouillé de ses biens. À Villemur, dans le Toulousain, le tiennent pour parjure tous ceux auprès de qui il s’était engagé, car, par peur, il les a abandonnés.
IV - Je conseille au roi à qui est Castro-Xerez et qui possède le palais de Tolède de venir montrer sa fougue au fils du Barcelonais, car, selon le droit, il est son mauvais vassal. Je fais plus de cas de la cour et de l’ardeur du roi des gueux que de celle qui m’a trahi, le jour où il avait reçu un service de moi.
V - Le bon roi García Ramírez aurait repris, si la vie ne lui eût fait défaut, l’Aragon que lui a enlevé le Moine, et le bon roi de Navarre, qui a le droit de son côté, le reprendra avec l’aide de ses hommes d’Alava, pour peu qu’il s’en efforce. De même que l’or vaut plus que l’azur, de même son mérite a plus de valeur et plus de perfection que celui du roi illégitime.
VI - À cause de celle dont il est le mari, à cause de la bonne reine, je m’arrête, dès le moment où elle m’a dit ce qui me réconforte. Si elle le voulait bien, je lui reprocherais Béranger de Besalu, puisque je critique tout à fait ses mauvaises actions, dignes d’un fripon, car c’est lui qui l’a trahi et fait périr, ce qui déshonore sa race.
VII - Il a trahi honteusement l’impératrice, comme un faux roi parjure et méchant, lorsqu’il s’est emparé par quintaux, par bottes, de l’argent envoyé par Manuel, ainsi que des vêtements et de tout l’équipement. Puis, le cœur dur, quand il en eut tiré le vert et le mûr, il renvoya par la mer, dans l’affliction, la dame et les Grecs qu’il avait trahis.