I - Voilà, j’ai tendu mon trébuchet dont j’ai coutume de tirer sur les mauvais barons ; et je tirerai sur un baron dépourvu de courage, vide d’honneur, plein d’indolence, calomniateur, trompeur, indiscret, mauvais riche cupide, vide de bonnes actions, plein de tromperie, sans valeur au combat.
II - Il est mauvais des pieds jusqu’au sommet du crâne et mou de la tête jusqu’aux talons, son conseil est composé de goujats d’armée, sa cour a maigre subsistance, ses conversations sont pesantes et chagrines, ses dons maigres et pauvres et ses actes vains comme un feu de paille.
III - À l’égard des ennemis, ses yeux sont fermés, mais, contre les amis, il voit des deux pour les tromper et les trahir. Et pour autant, il ne craint pas de commettre de faute, car il dit – et il n’en a pas honte – qu’il a Ganelon pour ancêtre : aussi ne craint-il pas de déroger.
IV - Jamais il ne s’est heurté à ses ennemis sans leur abandonner ses compagnons, les chevaux et les équipements. Il a tort de porter cotte de mailles ou armes, mais non pas les éperons, car ils l’ont parfois mieux servi que lance ou épée tranchante.
V - Sirventés, sois prompt, va vite auprès du baron qui est plus creux qu’un sureau; et qu’il ne soit nulle part assez bien caché pour éviter que, en faisant résonner bien fort ta clochette, tu ne lui dises : “C’est vous que je viens trouver !” Mais vas-y à reculons, car c’est ainsi qu’il convient de l’attaquer.