I - Mailolin, malheureux jongleur, puisqu’on m’a parlé de vous et que vous venez me demander des chansons, je souhaite vous aider en cela. En effet, vous êtes vil sous des airs d’honnête homme ; mieux vaudrait vous louer pour les combats judiciaires que de vivre des rebuts des autres.
II - Votre entretien m’a paru si ennuyeux qu’un autre homme en serait irrité ; vous êtes plus sot qu’un mouton et le chant de la corneille est plus pur que le vôtre. Mieux vaut écouter un porc ladre qu’on examine ou un blessé quand on l’opère plutôt que vous.
III - Si quelqu’un vous traitait de poltron, il semblerait mentir : comme vous êtes grand, jeune et vigoureux, vous faites croire que vous êtes courageux, mais là où le lièvre est un lion, vous êtes lâche, indolent, mou, totalement incapable de vous défendre.
IV - À l’intérieur, vous êtes plus creux qu’un sureau et un ciron a plus de cœur, mais pour ce qui est du foie et des poumons, vous les avez grands sous votre vêtement. Et vous êtes si endormi le matin que, si l’on vous adresse une ou deux paroles, vous faites comme si cela ne vous importait pas.
V - On a tort de compter sur vous pour les combats dans l’armée des routiers, car il n’y a pas un seul goujat qui ne vous précède à l’assaut. Si vos adversaires se défendaient avec des melons, tout le monde entrerait dans la place avant vous, même si vous portiez heaume et ventaille.
VI - Quand vous sentez rôtir des moutons, vous avez plus de hâte à entrer qu’à la palissade ou au portail. Et le rognon n’est pas si grand que vous ne puissiez l’avaler en un seul morceau ou en deux, peu importe qui le coupe pour vous.
VII - Je veux que Raimon de Planel, car c’est un homme de mérite, entende le sirventés sur vous ; et que la mélodie en sorte avec difficulté ; car vous chantez plus mal qu’un paon et abîmez les paroles et les mélodies, aussi faut-il être fou pour vous les donner.