I - Notre roi distribue noblement ses rations, aussi ses Anglais sont-ils tous gras, frais et tondus de près, et chacun d’eux porte une guirlande (de fleurs). Les Français, au contraire, sont couverts de rouille à force de porter l’armure, et ils endurent la faim, la soif, la pluie et le vent, et leur roi conquiert le bien d’autrui et défend le sien.
II - Un roi qui revendique un grand pays, il semble qu’il plaisante s’il ne fait pas quitter le pas à son cheval et ne prépare pas de jambières de fer ; le roi a bien montré son courage en venant parmi les Bretons, mais cet honneur n’aboutira à rien si la fin est semblable au début.
III - La guerre exige qu’on répande le sang, qu’on incendie, qu’on ne se lasse jamais de faire des présents et qu’on ne se dérobe pas ; moi, je connais deux frères de ce genre : l’un est roi, l’autre comte valeureux ; mais il ne dit en rien la vérité, celui qui ment, et tous les gens qu’on loue ne sont pas de mérite ni de valeur.
IV - Les Bretons se comportent de façon inconvenante et ils n’ont guère d’honneur, car un comte de saint Thomas est entré dans Brocéliande. Ils semblent bien dépourvus de bon courage et complètement bouleversés, car ils réclament leur Arthur avec faiblesse. Je n’en dirai pas plus, car personne ne me comprend.
V - Aux barons que l’argent flatterait, sirventés, tu diras que, avant de franchir le pas, ils voient si ce ne sera pas une grande folie, si ce sera intelligent, dommageable ou profitable, car je ne veux pas entrer en guerre ou en conflit pour un seigneur qui somnole : on a du mal à bien conquérir des terres en dormant.
E - Sirventés, hâte-toi de te rendre auprès du comte qui s’appelle Hugues, car il vaut, voit, sait et sent si bien qu’il ne veut jamais accepter de fausse monnaie.
