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Français
Raymond Arveiller et Gérard Gouiran

I. Puisque, changeant de résolution, j’ai décidé de composer une chanson sur ma dame, que j’aime et désire, c’est à elle qu’il me faudrait savoir gré, si je composais de belles paroles et une joyeuse mélodie ; oui, et si j’excellais, qu’en fût remerciée ma douce aimée, car c’est d’elle que je tiens le peu de talent que j’ai ; mais, s’il lui plaît, j’en aurai déjà davantage.
 
II. Chère dame, puisque je dépends de vous au point que personne ne peut me protéger contre vous, allez-vous me laisser tout-à-fait mourir par défaut de ce que vous pouvez me donner ? Si vous agissez ainsi, vous commettrez une bassesse et cela semblera une honteuse traîtrise, de faire mourir de désir son vassal fidèle et loyal, alors qu’on peut le tirer du désarroi.
 
III. Mon aimée, que Dieu me pardonne, je vous aime bien plus que je ne sais l’exprimer : j’en perds la joie et le sommeil, ni le rire ni rien d’autre ne peut m’aider ; mais, dans la mesure où j’ai repris la route des chansons dont je me détournais, je n’ai qu’à chanter maintenant sur ce dont j’ai mille fois pleuré ; c’est bien à propos, puisque cela plaît à ma dame.
 
IV. Jamais personne n’a subi à ce point la contrainte de l’amour, et je ne puis y renoncer ; et, même si vous me faites languir avec raffinement, je préfère rester à vous espérer plutôt que de jouir d’une autre ; jouir est impossible, car aucune dame ne pourrait me tenir dans la jouissance ni la joie, ni tout l’univers, dame, en dehors de vous.
 
V. Je ne sais trouver mon bien ni mon avantage avec aucune autre, quand j’y réfléchis, et je ne souhaite nullement y parvenir si je ne vous embrasse la bouche et le menton, à vous que j’aime sans tromperie ; je ne crois pas qu’il existe jamais d’amour semblable, puisque, même si cela vous déplaît, je vous aime et je vous aimerai, et même malgré moi, car c’est l’amour qui m’y entraîne.
 
VI. Puissiez-vous m’accorder votre bonne merci, car je ne renonce ni ne renoncerai jamais à vous aimer, et j’en suis totalement incapable.
 
VII. Qu’à vous que j’aime soit ma chanson, ainsi que toute ma raison et ma compagnie, car je ne crois, ne crains ni ne possède aucune autre dame et je ne sais si je vous posséderai jamais.

 

 

 

 

 

 

 

 

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