I. Oyez combien mon chant progresse et s'améliore. Et Marcabru, selon sa noble inspiration, sait tisser et accorder le sujet (le thème) et la poésie, si bien que nul autre ne peut y reprendre un seul mot.
II. Mais je soupire parce que maintes gens se plaisent dans la méchanceté qui sans cesse s'accroît et empire; ce qui m'invite à être agressif, c'est que ma dame aime à m'entendre crier et brailler.
III. Les plus vils ont l'heureuse chance de recevoir des dons, et les meilleurs sont bouche bée devant un vain simulacre. Le récit [seul] nous attriste et nous fait soupirer, car c'est à rebours que les puissants mènent leurs affaires.
IV. En Jeunesse il n'y a pas d'espoir, mais elle est trop voleuse et contre la mort on ne peut faire appel ni se défendre, car ces lâches accroupis ont rejeté Jeunesse hors de son domaine et hors de sa voie par faute de la mère [par manque de Courtoisie].
V. Qui pour de l'argent perd vergogne et mesure et ne se soucie plus d'honneur et de valeur, d'après sa conduite est, me semble-t-il, confrère du hérisson, du chien et du larron.
VI. Prouesse se brise et Lâcheté s'entoure de murs et ne veut accueillir Joie dans sa clôture ; je ne vois guère que se maintiennent droit et raison, quand, grâce à l'argent, un mauvais garnement est Empereur.
VII. Comte de Poitiers, votre valeur [Prix] se raffermit, comme aussi celle d'Alphonse d'ici [de Toulouse], pour peu qu'elle persiste, car il tient mieux Avignon, Provence et Beaucaire que son père ne tenait le Toulousain.
VIII. Si cet Alphonse se contente de me faire bon accueil et semble devoir me faire défaut (et se montre chiche à mon égard), là, vers Léon, j'en sais un de bonne race, franc, raisonnable, courtois et large dans ses dons.
IX. Puisse la Sainte Écriture les garder de Mauvaiseté et faire qu'ils se montrent sans apprêt et sans fard ! (?). Veuille celui qui est et qui fut roi et sauveur des rois, m'éclairer sur ce que j'attends du roi Alphonse [d'Aragon] ! (Cf. P. M., loc. cit., p. 126.)