I. J'aime quand les fruits sont mûrs et que reverdissent les regains, et quand les oiseaux, par le temps obscur, baissent le ramage de leur voix, tant ils redoutent les ténèbres; et mon cœur est transporté, car je chante par joie de loyal Amour et je vois ma bonne espérance.
II. Faux amis, amants perfides rabaissent Amour et relèvent le crime ; et ne vous imaginez pas qu'Amour soit devenu pire, car il vaut autant qu'aux premiers jours ; toujours il fut de pure couleur et d'une même apparence; nul homme ne sait de sa valeur [de son pouvoir] la fin ni le commencement.
III. Croira qui voudra aux augures (présages) insensés : que Dieu seulement me garde de changer [à cet égard] ; car je m'aventure en un Amour (dame) tel qu'il n'y a en lui ni tromperie ni trouble ; été comme hiver, et au temps de Pâques [printemps], je suis en grande allégresse et je l'aurais encore plus grande avec un peu de sécurité (certitude).
IV. Jamais je ne croirai, quel que soit celui qui me le jure, que le vin ne sorte pas du raisin et que l'homme épris d'Amour n'en devienne pas meilleur, car jamais nous n'avons appris qu'un seul en soit devenu pire, et moi-même j'ai la plus haute valeur grâce à la meilleure [des femmes] ; cependant j'ai de l'incertitude, car je n'ose pas m'en vanter, par peur de ce qui est l'objet de mon espérance.
V. Il sera certes difficile que le fou change de naturel et ne recommence pas à faire des folies, que folle ne soit inconsidérée; mauvais arbre vient de mauvaise nourriture, de mauvaise branche, mauvaise fleur, et fruit de mauvaise pensée retourne au mal, sinon au pire, là où Joie n'est pas souveraine.
VI. L'amitié perverse aux étranges attachements des descendants de Caïn entraîne [ceux qui la pratiquent] dans le malheur, car elle ne craint honte ni blâme, les empêche d'aimer par sa douceur (par ses attraits les éloigne de l'Amour vrai); elle met le fou en telle erreur (perplexité) qu'il ne resterait plus avec ceux qui même lui donneraient la France entière (?).